Les puissants

Comme l'impression d'avoir vu plusieurs films à la fois. Un mélodrame, un thriller, un film de braquage, un film noir, un film sur l'amitié, un film social... Le nombre de choses qui sont proposées ici est impressionnant.

J'adore ce naturalisme poussé à l'extrême, où on passe plus de temps dans la vie ordinaire des personnages que dans la réelle intrigue du film. On sent que les mecs ont un bon fond, on croit à leur amitié, ils parlent bagnoles, se payent des coups, aident leurs voisins, etc. Mais l’appât du gain va les faire s'attaquer à un (trop) gros poisson.

Le film prend sans cesse à revers les codes du genre. Ici le braquage lui-même dure à peine deux minutes, on passe le reste du temps à sillonner les routes en voitures, dans la nuit. Et une fois que c'est fini, pas de bling-bling, les mecs vont manger au libanais du coin et nourrir les pigeons en discutant de leur avenir, tels qu'on les voit ils n'ont pas volé pour flamber mais pour améliorer leur vie au moins un peu, partir en vacances en couple, se payer une opération chirurgicale etc... On développe vraiment une sympathie pour les personnages à travers leur quotidien, criminels ou pas, et c'est d'autant plus dur ensuite de basculer du point de vue du prince saoudien.

Parce que très vite on comprend qu'en un claquement de doigt il peut faire exécuter toute la bande que l'on suit depuis le début. Il se dégage une vraie impression de puissance de lui et de ses sbires, par le calme absolu avec lequel ils gèrent la situation. En particulier son bras droit, qui habite toutes les scènes de son charisme On passe du parler un peu argotique de la cité à ce type à la voix forte, posée, et à la diction millimétrée. Il ne joue pas dans la même cours et on le comprend toute de suite. Pas besoin de s’embarrasser à détailler l'enquête: le détective retrouve la trace du gang en 10 minutes chrono et hop, les mercenaires, la police, la prison, tout déferle sur la bande qui n'a aucune chance. C'est glaçant.

Vient la dernière partie qui vire au film noir. Plus posé, aux grands moments d'envoûtement et aux scènes d'une beauté folle (cheval, boîte de nuit, musée). On contraste justement avec la partie précédente, car ici la vengeance de Mr Pons met du tempsà se mettre en place, elle est laborieuse, faut aller chercher le fusil dans la cave, se ré-entrainer, faire de longue filatures, souffler un peu le temps de réaliser ce qu'on s'apprête à faire...

Un des meilleurs films de l'année à coup sûr.