Même si l’évidente mise en abîme des aberrations d’un système politique broyant les hommes jusqu’à les rabaisser à l’état d’animaux atteint absolument son but de dénonciation, même si l’horreur des faits est dépeinte comme rarement et que l’on en ressort absolument terrassé avec un sentiment d’avoir atteint une sorte d’apogée du dégoût, l’aspect (sur) documentaire du film efface toute velléité de mise en scène au profit d’une sorte de docu-fiction ultra démonstrative qui au final en devient totalement désincarnée.
Situé dans les tréfonds d’un désert de Gobi balayé par le vent, avec comme seul horizon un épais brouillard de poussière, les décors de ce camp de rééducation Maoïste deviennent le théâtre macabre d’une mort progressive de l’âme humaine. Parfaitement orchestré par le courageux cinéaste documentariste chinois Wang Bing, pour ce qu’il veut en faire, l’ayant tourné dans les pires conditions, le film atteint incontestablement son but de dénonciation avec une sorte d’insistance de l’inexorable touchant à l’assèchement, pas une goutte d’espoir, mais s’alourdit d’une sorte de chape de plomb ne laissant aucune place à la moindre proposition de cinéma.
A vouloir provoquer le choc à tout prix à grosses doses de réalisme, jusqu’à l’écœurement, certains passages du début atteignant même des sommets de dégoût à la limite du nauséeux, le réalisateur donne à son film des aspects de docu-fiction choc qui fait parfois penser aux fameux « mondo movies » dont le cinéma d’exploitation italien nous abreuva dans les années 80.
Absolument problématique, car désincarné et sans cesse écartelé entre sa volonté de dénoncer en déclenchant l’artifice du choc à tout prix, par une surdose d’imagerie nauséeuse, le film devient une sorte d’expérimentation visuelle visant l’écœurement, malsaine et atteignant son but dans ce sens, mais s’exposant à une sorte de pathos diligenté qui finit par devenir contre-productif.