Alors qu'en 2011 il s'était imposé comme un vrai petit prodige avec son premier film Rundskop, et qu'il avait effectué un tournant de carrière plutôt solide avec The Drop en 2014, sa première production américaine, on était curieux de voir ce qu'allait nous réserver Michaël R. Roskam pour la suite de sa carrière. Revenant à une production franco-belge, il promet de revenir à un cinéma plus personnel avec son Le Fidèle dont il en a écrit le scénario. Malheureusement il s'avère que son dernier né est un film qui ne sait pas sur quel pied dansé et qui finit par tourner en rond avant de totalement s'effondrer sur lui-même.


Le premier défaut de Le Fidèle, celui qui saute très vite aux yeux, c'est la volonté de Roskam de s'imposer comme un auteur. Le cinéaste à très clairement conscience de ses obsessions et impose grossièrement ses thématiques à son oeuvre, notamment celle qui le fascine, l'animosité humaine. Dans Rundskop il affiliait son héros à un bœuf sous stéroïdes, le filmant et l'écrivant comme un animal enragé et indomptable. Cette filiation avec les animaux on la retrouvait aussi dans une moindre mesure dans The Drop, quand le personnage principal se confondait avec le chien qu'il adopte. Ici, Roskam mélange sa thématique de l'animal pour encore une fois caractérisé son héros, soulignant le paradoxe de sa peur des chiens car il se reconnait en eux. A la fois victime de leurs maîtres et prisonniers de leurs destins mais aussi du fait que ce sont des animaux impulsifs qui agissent plutôt qu'ils réfléchissent. Il y a une manière assez intéressante de symboliser son héros de cette façon, un braqueur qui suit plutôt qu'il ne décide et vers le dernier acte du film il y a quelque chose d'assez fort qui se dégage de tout cela. Mais le problème c'est que cela est amené sans la moindre subtilité et est en plus noyé au milieu de tout ce que le film essaye aussi d'accomplir.


Car au milieu de ce foutoir scénaristique, on se rend compte qu'il y a trois films en un, tous découpés de manière très didactiques. On a en guise de prologue et d'épilogue cette oeuvre métaphorique sur l'indomptabilité de la vie où son héros n'est qu'un chien effrayé qui fuit ce qui pourtant le rattrape toujours. C'est la partie la plus proche de ce Roskam affectionne et elle dispose de jolis métaphores malgré le fait qu'elle soit totalement forcé dans le récit au point qu'elle n'y trouve pas sa place. Car ensuite en guise de premier acte, on plonge dans le film de casse classique avec le braqueur au grand cœur qui tombe amoureux d'une fille qui sera tiraillée entre son amour pour lui et la justice. Sans surprise, très peu palpitant et avec des dialogues souvent risibles, ce premier acte n'impressionne guère. Pas aidé par l'absence d'alchimie entre les deux acteurs principaux qui ont du mal à nous faire croire à cette romance. Puis on bascule dans un deuxième acte plus centré sur le personnage d'Adèle Exarchopoulos où l'actrice à tout le loisir de nous montrer qu'elle ne sait pas jouer. Le tout devient alors un drame misérabiliste sur la maladie et les regrets qui tranche totalement avec le reste avant de revenir pour l'épilogue au héros et son caractère animal, comme une boucle qui se boucle maladroitement avec effets narratifs bien pompeux.


Totalement mal écrit et tiraillé par des ambitions contraires, le film ne parvient même pas à être sauvé par sa réalisation pour le moins insipide. Les rares scènes musclées manquent de punch et paraissent très artificielles, et le tout est guidé par une mise en scène trop appuyée dans ses effets dramatiques et qui accentue le misérabilisme ambiant. Il y a pourtant une certaine maîtrise qui ressort ici et là, notamment dans la composition des plans et un sens du cadrage habile mais Michaël R. Roskam étouffe trop cela dans des scènes d'un ridicule sans nom. Comme lorsque le personnage principal met un coup de pied dans un chien qui vient de le mordre et que tout le monde se retourne contre lui, que la police était là au même moment et que tout les éléments l'accablent sans la moindre finesse. Une scène surréaliste de bêtise.


Il n'y a au final que très peu de chose à retenir de Le Fidèle. Seul Matthias Schoenaerts peut se féliciter de sortir la tête haute de ce naufrage, car l'acteur s'impose véritablement par son charisme et l'intensité de son jeu. On ne peut pas en dire autant d'Adèle Exarchopoulos où son jeu est plus que jamais proche du bovin qui rumine. Mais les acteurs ne peuvent pas faire grand chose face à un scénario pas tenu, grossièrement écrit et ridicule à souhait au sein d'une mise en scène sans relief et misérabiliste. Le Fidèle est donc un mauvais film et une déception de taille pour tout ceux qui portaient des espoirs en Michaël R. Roskam.

Frédéric_Perrinot
3

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Flop 2017

Créée

le 25 nov. 2017

Critique lue 1.5K fois

9 j'aime

1 commentaire

Flaw 70

Écrit par

Critique lue 1.5K fois

9
1

D'autres avis sur Le Fidèle

Le Fidèle
Velvetman
5

L'amant double

Avec son troisième film, Le Fidèle, Michaël R. Roskam rate le coche et met un peu les pieds dans le tapis avec un polar à la sève mélodramatique qui peine à trouver son souffle. Habité par une mise...

le 5 nov. 2017

18 j'aime

1

Le Fidèle
ffred
8

Critique de Le Fidèle par ffred

Après le choc Bullhead et le plus classique mais non moins réussi Quand vient la nuit, revoici Michaël R.Roskam. Sans changer vraiment de registre le metteur en scène belge nous offre un nouveau film...

le 13 nov. 2017

10 j'aime

Le Fidèle
Frédéric_Perrinot
3

Euthanasie

Alors qu'en 2011 il s'était imposé comme un vrai petit prodige avec son premier film Rundskop, et qu'il avait effectué un tournant de carrière plutôt solide avec The Drop en 2014, sa première...

le 25 nov. 2017

9 j'aime

1

Du même critique

Glass
Frédéric_Perrinot
6

Une bête fragile

Alors en plein renaissance artistique, M. Night Shyamalan avait surpris son monde en 2017 lorsque sort Split et nous laisse la surprise de découvrir lors d'une scène en début du générique de fin...

le 22 janv. 2019

66 j'aime

6

Ça
Frédéric_Perrinot
7

Stand by me

It est probablement un des plus gros succès et une des œuvres les plus connues de Stephen King, et il est presque étrange d’avoir attendu aussi longtemps avant d’avoir eu une vraie adaptation...

le 22 sept. 2017

63 j'aime

1

A Cure for Life
Frédéric_Perrinot
8

BioShock (Spoilers)

Après une décennie à avoir baigné dans les blockbusters de studio, Gore Verbinski tente de se ressourcer avec son dernier film, faisant même de cela la base de son A Cure for Wellness. On ne peut...

le 17 févr. 2017

59 j'aime

3