Film culte de la comédie à l'italienne, marqueur et symbole d'une époque, Le Fanfaron nous revient soixante ans après sa sortie dans une restauration 4K. Une bonne occasion de (re)prendre la route avec l'inoubliable duo Vittorio Gassman-Jean-Louis Trintignant dans ce « road movie » tragi-comique. En voiture !


Aujourd'hui considéré comme un véritable chef d'œuvre du cinéma italien, Le Fanfaron eut pourtant des débuts difficiles dans les salles et dans la presse en 1962, Dino Risi se montrant en effet particulièrement satyrique envers ses concitoyens tout en concluant son film hilare par un final particulièrement sombre. Mais grâce au bouche à oreilles, il devint un immense succès et annonce de par sa méchanceté et son regard quasi-sociologique un autre petit chef d'œuvre du cinéaste milanais, Les Monstres sorti l'année suivante.

De par sa mise en scène et son scénario, et à l'instar de la Lancia Aurelia lancée à toute vitesse sur la route des vacances, le film comme ses personnages, semble en perpétuel mouvement comme l'Italie d'alors qui goûte au miracle économique des années 1960. Après la misère des années 1940-1950, retranscrite à l ‘écran par le néo-réalisme, le temps est venu de profiter de la vie, des « bienfaits » de la société de consommation et de l'évolution des mœurs...

Une pulsion de vie parfaitement retranscrite à l'écran avec la libération de la femme (qui divorce, qui s'habille comme elle veut...), le symbole de l'automobile instrument de liberté, les bals et slows langoureux dans les « night club », les vacances... Alors que le personnage joué par Trintignant, est timide, socialement mature mais introverti, trop sérieux, son compère d'un week-end interprété par Gassman est au contraire plein de vie, de bruit et de fureur. Ce séducteur impuissant qui « renifle les femelles » (Risi s'autocitera d'ailleurs dans Parfum de femme en 1974), arnaque son prochain et vit à crédit tout en roulant à tombeau ouvert dans sa Lancia adorée, finira par déteindre sur son jeune acolyte. Dépassant presque le maître, l'élève se « dévergonde », se découvrira dragueur, fêtard éméché, bagarreur, et à la fin de ce week-end riche en évènements pourra lui dire sincèrement : « Avec toi, j'ai passé les deux plus beaux jours de ma vie. »



ROAD GAMES


Une insouciance, une inconscience qui finira par coûter cher à notre duo au détour d'un ultime « dépassement » (le titre original du film, Il sorpasso) de la Lancia qui à force de rouler « à l'anglaise » (à gauche toute !) trouvera la mort au tournant... Une fin finalement pas si surprenante pour ce film qui inaugurait en quelque sorte le « road-movie », genre où les sorties de route s'avèrent inévitables. Titré The Easy Life aux États-Unis, il inspirera d'ailleurs l'un de ses plus célèbres représentants, Easy Rider de Dennis Hopper en 1968.

Avec le concours du mythique duo de scénaristes Age-Scarpelli, « inventeurs » de la comédie à l'italienne avec notamment Le Pigeon en 1958, de Ruggero Maccari et d'Ettore Scola (Affreux, sales et méchants), ce Fanfaron qui ne s'éloigne jamais longtemps de la route et de cette fuite en avant, prend aussi des airs de Buddy movie grâce à son incroyable duo. Choisi la veille du tournage pour remplacer Jacques Perrin, le français est alors à l'aube de sa carrière italienne, n'ayant joué que dans Été violent de Valerio Zurlini, en 1959. Quant à Vittorio Gassman, il demeure à l'époque surtout célèbre pour sa carrière théâtrale et c'est bien avec Le Fanfaron, qu'il transforme son jeu, jouant avec bonheur l'italien typique et arrogant, personnage qui lui collera à la peau durant toute la suite de sa carrière. Pas si évidente au premier abord, la complicité et l'alchimie entre les deux comédiens fait pourtant merveille, la morgue de Trintignant, soulignée par une voix off sarcastique, contrebalançant la logorrhée verbale du phénomène Gassman.


Accompagné par la B.O. de Riz Ortolani, agrémentée de nombreux tubes italiens d'alors, Le Fanfaron est également bien servi par ses autres interprètes, l'actrice franco-belge Catherine Spaak disparue cette année 2022, comme le regretté Jean-louis Trintignant, en tête. Un film indispensable pour les cinéphiles donc et une incontestable réussite du cinéma italien par l'ancien psychiatre Dino Risi qui analysait et auscultait ici avec un malin plaisir la fin d'une époque et le début d'une nouvelle, symbolisée par cette fin pessimiste qui semblait signifier que « la fête est finie »...


Retrouvez l'évaluation de la partie technique du Blu-Ray sorti chez LCJ par ici : http://www.regard-critique.fr/rdvd/critique.php?ID=7238

SB17
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Parce qu'il n'y a pas que Ennio. Vol.4 ( Riz Ortolani), Mes acteurs fétiches. Vol. 12 : Claudio Gora., Mes DVD : les italiens. et Regard critique.

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le 9 déc. 2022

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