Aaaah ça faisait un bail que je n'avais plus ressenti ça, de ce petit frisson d'exultation intrigué qui te titille et t'agrippe dans un film jusqu'à son dénouement. Le genre de sensation assignée aux vhs de vidéo-clubs qui t'embarquaient les après-midis pluvieuses vers des contrées improbables, là où les magiciens jouent avec d'étranges pierreries, les sombres créatures grognent dans des cavernes et la lumière laiteuse danse dans les frondaisons arachnéennes d'arbres tortueux et décharnés...

Pour ne pas m'attarder à l'excès, je passe les multiples références que ce film, résolument axé vers un jeune public en mal d'escapades empreintes de ronflants dangers, pourrait faire venir à la pelle, entre Willow, Legend ou Le Seigneur des Anneaux. Non, à vrai dire ce n'est pas cette quête initiatique imbibée d'heroic fantasy qui m'a réellement accroché dans ce film inattendu. J'y ai trouvé un charme tout autre, un charme qui, sur moi, ne pouvait avoir qu'un effet décuplé. Ce film est bâti comme un film de monstre pur et dur, rappelant parfois le plus mémorable d'entre eux, le roi poilu de l’île du Crâne.

Dès les premiers instants, on est happé dans un mystère troublant où foule apeurée vient quémander aide avisée. Éplorés, désespérés, quelques hommes d'une terre lointaines vienne quérir les services d'un magicien renommé, brandissant les reliques d'un fléau écailleux antédiluvien, sévissant de son croc acéré et de son haleine volcanique sur un peuple résigné dans la terreur. La plupart des films montrant des dragons les intègrent dans une quête, comme ornement de luxe sur le parcours d'un valeureux héros bâtissant sa légende. Ici, il serait bien vain d'attendre quoi que ce soit du jeune padawan central dont le charisme est loin d'être aussi éclatant que les naseaux de son bourreau.

Débarquant sur une rive rocailleuse, passant de la verdure brumeuse des Highlands luxuriants à une terre de roches déchiquetées et de troncs éviscérés, le héros suivi par son escorte fort demandeuse, prend connaissance d'un rite lugubre, loterie immonde, rejeton d'un pacte abject avec la pire des engeances, seigneur saurien de cette lande désolée, un dragon dont le grand âge indéfini n'a d'égal que l'aigreur avertie : Régulièrement, une femme choisie au hasard est offerte au reptile sulfureux, sauvagement attachée à un pieu devant son sinistre terrier, attendant dans les pleurs et l'horreur de passer à la broche. Dès lors, le film entier se passe autour de ce rite affreux et de la recherche d'un moyen pour venir à bout de l'iguane ailé. Pas d' épée magique à choper, pas de château à conquérir, pas de royale destinée à assouvir... Tout au plus une princesse à sauver, et encore... Rien de bien consistant face à la gargouille lugubrement terrée.
Dragonslayer est un film de monstre aux doux reflets horrifiques, un film de créature meurtrière, de monde perdu, de terre inconnue, un film jouant autant sur la suggestion que sur des effets d'animatronics et de stop motion des plus bluffants, oeuvrant d'une palette de lumières et d'ombres dans le ramage de cuir veineux et d'écailles hérissées d'un animal sinueux glissant sa fabuleuse et mortelle silhouette dans les méandres torturées des entrailles de son antre macabre.
Les peurs s'avivent et l'obscurité prend forme, avançant de son pas lourd vers ses proies blanchâtres, offrandes de choix pour ce dieu des limbes, mets raffinés pour tout bon lézard géant qui se respecte, gardien vorace et acharné d'un imaginaire s'effilochant.

Les plus alertes d'entre vous aurons déjà compris que j'en fais des tonnes et que ce film des studios Disney ne peut être à l'image de la fable horrifique que je me plait à décrire, le façonnant d'avantage comme j'aurais voulu qu'il soit... Et ils auront raison. Ils auront raison de souligner en ce conte enfantin la romance inévitable et sirupeuse, les personnages au comble de la caricature et le héros qui demeurera à jamais dans nos coeurs Janosz de Ghostbusters 2... Seulement, peut-être que d'autres auront su s'attarder sur la structure plus que réussie du film, sa mise en scène en crescendo totalement efficace, ses décors somptueux, ses éclats sanguinolents dans une suggestion un brin dévoilée et le duo Phil Tippett - Dennis Muren au sommet de leur art pour un final aux scènes de flammèches aériennes complètement mémorables.

Merci à Battalpower de m'avoir un jour balancé le nom d'ce truc, surement le meilleur film de dragon à ce jour.

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le 30 nov. 2013

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zombiraptor

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