Film aux multiples prix et nominations, on attendait le Discours d'un roi au tournant. Une opération marketing extrêmement réussie, un acteur anglais dont le rôle n'a que peu évolué au cours de sa carrière et un synopsis en béton armé, le Discours d'un roi ne pouvait être complètement navrant même s'il est très loin d'être réussi. George VI roi bègue, forcé de prendre le trône suite à une défaillance de type hormonale de son frère aîné et le décès de son souverain de père, se décide à prendre des leçons de diction auprès d'un orthophoniste sans diplôme dont les méthodes peu orthodoxes feront des merveilles.

Vous l'avez compris, le suspense n'est pas la clé du film, l'amélioration de la diction du roi bègue aurait pu croître de manière exponentielle sous les yeux enchantés de ses proches sans que l'ennui nous guette si les personnages avaient été soignés ce qui n'est pas le cas ici. En effet, malgré un synopsis d'une qualité rare, le scénario ne tient pas la durée semblant constamment hésiter entre la dimension historique pesante (soulignée comme il le faut par un orchestre classique) et la relation qui se noue entre l'orthophoniste (Geoffrey Rush) et le George "Bertie" VI dont les rapports vont passer de méfiants à familiers au fur et à mesure de ces deux longues heures.

Le film réussit à ses extrêmes, le début où cette rencontre hautement improbable entre la sommité de l'État, légitimée par son héritage et une personnalité "libre" dont les méthodes ne font pas l'unanimité et dont la familiarité pourrait passer à tort, pour de la vulgarité. Cette relation de force inversée entre les mieux et les moins bien dotés (il est même australien) par la nature, passionne lorsqu'elle narre les difficultés à s'en remettre à la personne en-dessous de soi pour pouvoir survivre (dans ce cas médiatiquement). Le film tire sa force de cette incroyable relation qui devient un roman d'éducation de type "À la rencontre de Forrester" inversé où le jeune Jamal apprendrait à Sean Connery à jouer au basket lors d'un match capital pour lui. La fin est aussi réussie dans cette veine du rapprochement affectif de deux hommes que tout oppose. Geoffrey Rush survole littéralement le film grâce à une composition toute en finesse, tour à tour comique et touchant, il trouve ici un rôle qui donne la mesure de son extraordinaire talent (qui mérite son Oscar).

Le problème du film, c'est le reste : passons sur la présence fantomatique d'Helena Bonham Carter en potiche de luxe dont l'apport m'a visiblement échappé et parlons du scénario. Si l'idée de base est brillante, Tom Hooper en ne se focalisant pas sur l'essentiel perd son temps à accumuler les costumes, décors et musiques d'époque pour coller au plus près d'une forme de véracité historique, véritable boulet enchevillé au film. Si la reconstitution est ici maximale et la prise de risque minimale, c'est que la caméra du réalisateur frappe par son manque de personnalité et d'imagination à chaque temps mort du film. Et si le scénario vacille, c'est qu'à force de mettre sur son chemin péripéties attendues et autres passages obligés pour un film de l'époque (Coucou Churchill, Coucou Chamberlain, Oh Hitler !), il tombe directement dans la catégorie des films historiques sans âme dont l'intérêt est seulement documentaire. La musique grandiloquente soulignant chaque moment où l'émotion pourrait naître entre Colin Firth moins agaçant qu'à l'ordinaire et Geoffrey Rush, on tombe vite dans un mélo dont la vacuité semble une véritable opportunité gâchée.

Si tout n'est pas raté, le résultat est décevant. Son classicisme lui permettra d'obtenir tous les honneurs du Figaro et en fera probablement un véritable succès. Un film à succès et à statuettes dont l'âme trainaille sans doute quelque part entre l'intention initiale et le résultat, qui convaincra la majorité des spectateurs n'ayant pas d'attentes particulières ni de répulsion pour des films un peu plats, dont le personnage le plus irrévérencieux demeure ce brave Gilles de la Tourette aussi inattendu que plaisant dans la bouche royale.

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le 4 févr. 2011

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C G

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