Ah ça ! Qu'est-ce qu'ils ont pu nous en faire des leçons de cinéma les trublions de la Nouvelle vague !
Dans les années 60 et 70 on n'entendait qu'eux ! Les Godard, les Rohmer et les Truffaut justement !
Il fallait déconstruire ce cinéma à papa rigide de partout ! Étouffé dans ses codes et sa morale étriqués ! Conventionnel jusqu'à la moelle !


Et nous voilà en 1980, dix ans plus tard, avec ce "Dernier métro".
Ça commence avec un générique interminable sur un vieux vinyl de Lucienne Delyle (parce que tu comprends : c'est les années 40), puis juste après ça enchaîne avec une petite séance diapo durant laquelle une voix off nous explique littéralement le contexte historique de l'intrigue du film ainsi que le sens de son titre.
Ce n'est qu'alors - avoir avoir bien évité de faire du cinéma - que ce "Dernier métro" entend se lancer dans une scène digne du théâtre.


Mise en scène plate aux plans d'école sans génie.
Intrigue qui sombre immédiatement dans la didactique la plus balourde.
Reconstitution de pacotille digne d'un docu-fiction commandé par l'éducation nationale...
(Années lumières... Années terribles... Toi-même tu sais...)


Eh bah alors François ?!
Eh oh ! François Truffaut !
C'est à toi que je cause !
Si tu reconnais t'être bien foutu de notre gueule tape deux fois !
...
Allo ?!
Y'a quelqu'un à l'autre bout du ouija ?


Bon en même temps pas besoin d'aveux d'outre-tombe pour se rendre compte de l'imposture.
Ah le cinéma à papa on ne voit que ça dans ce "Dernière mètro" !
Et oui je confirme : c'est bien rigide, moral, codifié, factice, étouffant...
...Et la blague veut qu'en plus ce soit signé François Truffaut.
Ah mais oui... Mais quelle bonne blague.


M'enfin...
...Visiblement - même après vingt ans de carrière - le réalisateur de la "Nuit américaine" n'avait toujours pas appris que les meilleures blagues étaient les plus courtes.
2h10 de théâtre qui récite un manuel d'Histoire tristement mêlé à des personnages qui disent tout le temps littéralement ce qu'ils pensent...
...Et le tout tartiné de la traditionnelle composition lambda à base de hautbois fadasses et autres clichés musicaux.
Vraiment rien à sauver.
...Du moins rien à sauver de la part de Truffaut.


Parce qu'à dire vrai, si ce film est sauvé in extremis du marasme intellectuel et artistique, c'est juste parce qu'il peut s'appuyer sur une troupe d'acteurs rodés à l'exercice.
Gérard Depardieu, Catherine Deneuve, Jean Poiret, Maurice Risch... Autant d'arbres pour cacher le Rub al Khali artistique qu'est cette pièce de théâtre filmée.


Ce "Dernier métro", pour moi, c'est juste la démonstration de ce que sont vraiment les cinéastes de la Nouvelle Vague.
Ce sont juste des blaireaux. Des cancres.
Ce sont les branleurs du fond de la classe qui ont passé leur temps à dénigrer l'art parce qu'ils ne savaient pas en faire, en feignant d'être des nouveaux Picasso mais en oubliant au passage que Picasso avait démontré avant de faire du cubisme qu'il savait aussi faire du figuratif.


Truffaut ne sait même pas faire du figuratif.
Au fond il ne sait faire que du théâtre filmé. Du dialogue démonstratif et didactique. De l'illustration plate.
Et tout ça au service de quoi ?
Finalement - encore et toujours - au service de François Truffaut lui-même.
Même quand il prétend parler du sort des Juifs durant la guerre, il trouve quand même le moyen de ne parler de lui et que de lui.
Car au fond, après nous avoir bien fait la leçon du bon petit résistant et du bien vilain collabo, il trouve moyen de nous ressortir le schéma de sa "Nuit américaine" à base d'acteurs qu'on suit dans leur quotidien et qui en oublient parfois les sentiments les plus élémentaires.
À ce niveau-là ce n'est plus une blague...
...Ça dévient carrément une farce.


Alors entendons-nous bien : quand bien même ce film n'aurait pas été signé par Truffaut qu'il m'aurait malgré tout terriblement ennuyé ; que je l'aurais tout de même trouvé bien fade, artificiel, long, superflu...
Néanmoins je peux comprendre qu'on puisse y trouver son compte face à ce "Dernier métro".
Après tout le théâtre ça peut rester agréable, surtout quand c'est déclamé par une troupe d'une telle qualité.
Alors oui, on peut s'en contenter. Pourquoi pas...


Mais que, par ce film, Truffaut n'ait rien su faire d'autre que de se planquer derrière d'autres talents que le sien et surtout derrière les codes poussiéreux à papa qu'il conspuait pourtant jadis, ça je trouve que c'est juste accablant pour lui.
Et - je l'avoue - dans mon jugement, ça pèse un peu et ça explique en partie mon aigreur.


Après tout, il n'y a pas de raison que la politique des auteurs ça ne marche que dans un sens...

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le 5 avr. 2021

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