Le Coureur
7.2
Le Coureur

Film de Amir Naderi (1986)

L'importance d'Amir Naderi dans le cinéma iranien d'avant ou d'après la révolution de 1979 ne m'est aujourd'hui pas aussi claire que celle d'un Abbas Kiarostami, au hasard, mais j'ai la sensation en l'espace de deux films vus (celui-ci et "Harmonica" aka Saz Dahani, de 1974) qu'il s'agit là d'une grave erreur / méconnaissance de ma part qu'il conviendrait de compléter. Il y a toutefois dans "Davandeh" un motif récurrent un peu lourd, qui s'entend tout à fait dans le cadre d'un film appartenant au corpus du récit d'apprentissage, qui empêche d'adhérer sans réserve à ce regard à composante autobiographique sur l'enfance en Iran dans les années 1970-1980. Autant on peut faire abstraction de la naïveté inhérente à la narration pour épouser les aventures d'un enfant d'une dizaine d'années, orphelin, avec une épave de bateau comme seule maison, basculant d'un petit boulot à l'autre pour survivre, autant ce symbole répété de l'enfant qui crie face aux bateaux qui s'éloignent ou sous les avions qui décollent devient vite trop persistant.


Je souscris tout à fait aux passerelles établies avec le néoréalisme italien tant la caméra de Naderi n'a de cesse d'épouser les déambulations du jeune protagoniste sur les régions côtières du golfe Persique. Elle reste toujours à bonne distance de Amiro, et ne se laisse quasiment jamais aller à des gros plans, laissant tout misérabilisme hors de portée. Zéro contexte le concernant. Au contraire, on suit le gamin dans ses débrouilles avec une certaines bonhomie, alors qu'il est question de survie au sens le plus strict. Il rêve qu'un bateau l'embarque, qu'un avion l'accepte, et en attendant, il collecte des bouteilles en verre (jusqu'à ce qu'il manque de se faire bouffer par un requin), il distribue de la glace (jusqu'à ce que des voleurs lui complexifie la tâche), il s'improvise cireur de chaussures pour riches touristes. Le gamin est du genre obsessionnel, l'espoir chevillé au corps, aussi il ne lâche pas l'affaire quand il achète des magazines pour les photos et que le vendeur lui rétorque qu'il ne sait pas lire. Le message d'espoir est là : quand Amiro réalise qu'il est censé être en âge de savoir lire, il court à l'école, là où il pourra recevoir l'enseignement approprié, et passera ses journées à réciter l'alphabet dans l'espoir que cela lui ouvre de nouvelles portes et exauce ses vœux.


En attendant, il parcourt les décharges à ciel ouvert et lutte seul en attendant de rebondir, dopé à la métaphore de l'envol.

Créée

le 2 avr. 2024

Critique lue 12 fois

Morrinson

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