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On ne peut que louer le courage et la témérité de Vanessa Filho d’adapter le roman éponyme d’une autre Vanessa, Springora, qui raconte son adolescence et l’histoire d’amour pédophile qu’elle a vécue avec un écrivain renommé dans les années 80, Gabriel Matzneff. Un romancier sulfureux que les mœurs de l’époque toléraient et portaient aux nues comme un auteur de qualité et que la plupart des mondains acclamaient. Et on peut dire « Le Consentement » évite la plupart des pièges dans lesquels il aurait pu tomber. Le film est certes assez choc et bouscule mais il interpelle avant tout et fait réfléchir tout en prenant soin d’éviter tout voyeurisme et climat putassier. Pour cela il fallait à Filho des acteurs courageux et qui lui donnent tout. La jeune Kim Higelin est parfaite en brebis naïve et amoureuse tandis que Jean-Paul Rouve étonne dans une prestation très casse-gueule dans laquelle on ne l’attendait clairement pas. Il est monstrueux dans tous les sens du terme dans le rôle de ce manipulateur pédophile et prédateur sexuel. Probablement le rôle d’une vie qui lui permet à la fois de changer de registre et de prendre tout le monde de cours. Le genre de composition qui devrait lui valoir aussi bien des nominations aux prochaines cérémonies de récompenses que quelques quolibets. L’avenir nous le dira.


On pourra malgré tout trouver que le long-métrage dans son ensemble est froid et austère. C’est un choix de mise en scène qui se respecte même s’il vire un peu trop parfois à l’ascétisme esthétique. L’image est sombre, le grain épais et l’ensemble n’est pas toujours flatteur ni agréable pour le regard cette dureté formelle semble en adéquation avec un certain cinéma d’auteur des années 80, époque où se déroule l’action du film. Il y a parfois aussi des dialogues qui font un peu trop littéraires comme si la réalisatrice avait peur de s’affranchir du matériau de base écrit duquel s’inspire « Le Consentement ». Enfin, peut-être est-ce comme cela dans le roman, mais la jeune brebis semble bien trop vite tomber dans les bras du grand méchant loup et ce coup de foudre manque de finesse et surtout de temps. Mais une fois la gueule du prédateur refermée sur sa proie, cette œuvre se vit, se ressent et se subit comme la jeune Vanessa. On est révolté par ce qui se joue devant nos yeux mais surtout impuissant. Le film n’est pas subversif ni même polémique, plus à notre époque où ce genre d’affaire devient malheureusement monnaie courante et où on parle de ces sujets anciennement tabous, mais il s’avère en revanche terriblement étouffant et surtout nécessaire.


En effet, les deux lignes conductrices et narratives du film, en plus de narrer cette histoire sordide, sont les outils de manipulation de ces pédophiles et la manière dont l’époque et la morale s’accommodaient de ce type de pratiques. Aujourd’hui cela nous scandaliserait et ne pourrait pas être ignoré. Avant c’était au pire la norme, au mieux le silence. « Le Consentement » peut donc se voir comme un hommage à toutes ces victimes. La manière dont procède ce vieux séducteur pour normaliser d’abord son emprise sur sa victime puis ensuite pour la manipuler psychologiquement est édifiante. Tel un pervers narcissique adepte des adolescents dont il se nourrit, les mécanismes de destruction mentale qu’il emploie font froid dans le dos. Ensuite, la façon dont l’entourage (dont la mère impuissante) et la sphère publique restent de marbre ou encouragent ce genre de pratique à l’époque est révoltante. Heureusement, certains artistes osaient élever le ton face à ces pratiques répugnantes tandis que le gotha s’en amusait (on pense à l’interview de Denise Bombardier). Et la fin, qui voit Vanessa adulte interprétée par une Élodie Bouchez déchirante, montre avec justesse les ravages qu’une telle histoire peut avoir sur la vie et la sexualité d’une femme. Pas toujours facile, pas toujours aimable, mais voilà une œuvre nécessaire, dure et importante.


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JorikVesperhaven
7

Créée

le 20 oct. 2023

Critique lue 203 fois

4 j'aime

Rémy Fiers

Écrit par

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