Beau portrait d'une vigie pour les naufragés de la vie

Je ne connaissais pas l'histoire. Le premier plan du film est sur Isabelle Carré derrière une fenêtre regardant au loin? et comme un gros con à qui il reste quand même des sédiments machistes en dépit de son rinçage à la petite amie et l'éducation...je me suis dit "qu'est ce qu'elle a vieilli! qu'elle est grise! et je reconnais mes propres débuts de rides sur elle...ajoutant dans ma tête d'abruti, "que lui est-il arrivé?""
Le dernier plan est le même mais elle est resplendissante, jeune, heureuse et a retrouvé la "luminosité" phosphorescente de son visage à laquelle on était habitué dans ses films précédents.


L'impression du premier plan était faite exprès! Son personnage étant épuisé par son travail et sa vie.
Cet effet était recherché par la réalisatrice: cette fille étant une morte-vivante, enterrée au fond d'elle même...épuisée par son travail envahissant (son bureau immense ressemble d'ailleurs à un autel au service de sa nouvelle religion, le Travail). Et elle a aussi une vie hectique de deux fois maman avec un mari "chiant" qui n'apprécié d'ailleurs pas son beau frère fantasque et "joyeux".
Ce frère se désole de la tristesse de sa soeur: "mais tes où? elle est où ma sœur ? que lui est-elle arrivé?".


Entre ces deux plans (le 1er et le dernier du film), elle a fait un voyage: physique et géographique bien sûr sinon le film n'aurait jamais eu de financement mais elle c'est aussi un voyage intérieur où elle a rebroussé son chemin en quête d'une vraie spiritualité et d'un sens à sa vie (et filmer que cela, aurait été plus difficile à expliquer à des producteurs et chaines de télévision finançant le tout).
Pourtant c'est la partie de l'histoire la plus passionnante: au début, elle connaît un bonheur matériel et professionnel mais qu'en est-il de ses vies personnelle et spirituelle? la visite surprise de son frère sera la catalyseur de la réaction chimique qui va bousculer la chimie de son cerveau...mais au lieu de prozac, elle s'oriente plus vers des sushis (à juste titre).


Je ne veux pas déflorer l'histoire même si "un-film-s'apprécie-quand-même-en-en-sachant-tout". Mais un fumier m'avait déjà spoilé le twist de début de l'histoire et je ne veux pas être un des ces pervers.
Disons juste que le personnage d'Isabelle Carré va partager un Bed et Breakfast, un "hôtel de la joie" où ses clients sont aussi joyeux que des portes de prisons...et pour cause.
Un des clients d'ailleurs est la version nippone de Sylvie Testud: elle lui ressemble.
Je tente de plaisanter à son sujet mais ce personnage est le plus émouvant et fort du film: une maman transformée en fantôme de The Ring par la force d'un chagrin incoercible. Peu de dialogue mais une présence forte. http://www.senscritique.com/film/Ring/407140#


Un autre détail, et là aussi sans trop en dire, mais un superbe décor naturelle au Japon illustre (un peu lourdement diront certains) ce que viennent y faire des visiteurs: des falaises gigantesques à voir sur un beau grand écran de cinéma...gouffre noir très sombre mais avec des parois à quelques strates rouges, comme la vie a parfois quelques plages rouge vif de bonheur mais tout de même dans un ensemble plutôt sombre, vue sa finalité...


J'ai compris le rire nerveux du personnage d'Isabelle Carré à table au Japon:


elle a quitté ses deux enfants ado, mutiques, connectés toute la journée...elle va parcourir des milliers de kilomètres...mais elle se retrouve à table avec ce qui semblent aussi encore et toujours deux enfants ado, mutiques, (dé)connectés toute la journée ;) ;) ;)


Un détail de belle mise en scène: dans sa vie avant le Japon, ses moments heureux avec son frère sont filmés à hauteur de tatami, dans sa salle à manger ou au bord de l'eau (très belle scène où un crachin les rafraichie mais ils sont si heureux qu'ils n'en ont que faire; cette scène me revient encore des semaines après l'avant première, le visage de Carré éclairé de derrière...
il leur pleut dessus mais ils continuent de parler comme des enfants dans leur petite bulle de frère et sœur, de jumeaux parait-il, ils ne font plus attention à ce liquide, ersatz de celui amniotique qui les unissait dans le ventre de maman....la pluie sans parapluie http://www.senscritique.com/album/La_pluie_sans_parapluie/5703320#).


Le réalisateur Japonais (aussi), Yasujiro Ozu (le seul que je "connaisse"), filmait souvent ses personnages à hauteur de tatami (Il filmait aussi et beaucoup des familles).
Le Japon est donc déjà un peu présent dans la première partie de film en France où ils sont filmés comme cela dans leurs moments si heureux.
vive http://www.senscritique.com/contact/Yasujiro_Ozu/6461 !

PierreAmo
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le 25 mars 2016

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