C'est d'abord une grosse bagarre comme souvent à Hollywood entre la Paramount et la Fox.
En 1923, la Paramount sort une superproduction "La Caravane vers l'Ouest" , ce à quoi, la Fox dégaine, pourrait-on dire, en 1924 une encore plus grande superproduction, "le cheval de fer" réalisée par John Ford.
D'après Patrick Brion, dans son intéressant bonus, John Ford, c'est grosso modo cent cinquante films. En 1924, il attaque un de ses premiers plus gros films qui est en fait son cinquantième...
Le "Cheval de fer" est une immense fresque relatant la construction du chemin de fer transcontinental Est-Ouest lancé par le président Lincoln "I have decided" et qui se terminera sous l'ère du président Grant.
Le film rend d'ailleurs un vibrant hommage au "bâtisseur" Lincoln qui estimait la nécessité de lier Est et Ouest au sortir de la guerre de Sécession qui avait à grand-peine réuni Sud et Nord.
C'est donc un film clairement politico-historique mais dans lequel Ford introduit plusieurs histoires parallèles dont une romance et une histoire de vengeance.
Le scénario est d'une grande complexité à l'image en définitive d'un projet de construction ferroviaire aussi immense. Il relate, certes, de la construction de l'ouvrage et des aléas rencontrés qu'ils soient liés aux indiens ou aux bandits mais aussi, de la gestion au quotidien du projet. Par exemple, l'approvisionnement de la nourriture à partir de troupeaux de bisons ou d'un troupeau de dix mille bovins acheminés depuis le Texas ou encore la gestion de la ville avec ses bars et ses bordels (même si ce n'est pas aussi clairement dit).
Le scénario nous fait croiser la route d'un certain William Cody, surnommé Buffalo Bill, chargé de la chasse au bison et aussi de Wild Bill Hickok, chargé de l'ordre...
Du coup, même à travers un film muet, Ford met en scène toute une série d'idées, d'ouvertures qu'on retrouvera bien des fois dans ses westerns ultérieurs. La porte qui s'ouvre sur le désert, le troupeau qui traverse péniblement une rivière guidé par des cow-boys, les attaques des indiens, l'homme qui parle à une tombe, les personnages truculents qui font irrésistiblement penser aux Victor Mclagen ou Walter Brennan du futur, etc ...
Bien des scènes sont tournées façon documentaire rendant ainsi très crédible l'histoire racontée au point qu'on ne sait plus quelle est la part de fiction dans le déroulé de l'action. John Ford a brassé tous ses personnages et toutes leurs actions pour mieux convaincre.
La scène initiale est très réussie et met directement le spectateur au centre du film.
On y voit l'enfant Davy Brandon, fils de Brandon rêveur de grands espaces et de grands projets, amoureux de Miriam, fille d'un entrepreneur Thomas Marsh, pragmatique qui raille gentiment l'idéaliste Brandon. Le tout sous les yeux d'un "grand" homme, à la tête penchée, qui sourit et ne dit mot, qu'on appelle Abe.
Des années plus tard, c'est Thomas Marsh qui est choisi comme patron de la construction du fameux chemin de fer. Et une grande réunion de lancement est présidée par Lincoln (dont l'acteur a dû être choisi avec soin pour lui ressembler point par point). Miriam, présente, à cette réunion, reconnait en Lincoln le fameux Abe de son enfance ...
Du casting, je ne dirai pas grand chose sinon que le héros Davy Brendan est joué par un certain Georges O'Brien que Ford fera jouer régulièrement dont en particulier dans la "Charge héroïque", "le massacre de Fort Apache" et "les Cheyennes". Et je trouve ça plutôt sympa de savoir se souvenir des anciens collègues et de leur trouver un petit rôle pour leur fin de carrière.
Au final, "le cheval de fer" est un film tout-à-fait intéressant même s'il est très long (2 h 30) et s'il est muet. Le film a été soigneusement remastérisé ce qui rend au film une belle image et une superbe bande son qui sait bien s'adapter au contexte du film.