Voilà une œuvre foudroyante, qui rappelle que le cinéma est bien en vie, dans son intégralité la plus belle. Que la comédie musicale est une chose extraordinaire, procurant une foule spectaculaire d'émotions. Et la musique qui arrive, pleine, joyeuse, foudroyante de beauté, toujours. Les voix qui chantent, sorties des comédies musicales, sont amples, s'envolent jusqu'au ciel, légères comme des plumes, et nous volons, spectateurs, nous chavirons, nous flottons telle une minuscule feuille d'arbre. Il n'y a pas de mots pour décrire les chants, l'entière musique si particulière, infiniment propre aux comédies musicales, et rien d'autre. Ces chants et les danses autour, les sourires joyeux, les rires enfantin, et tout devient léger, léger, léger.
Judie Garland qui chante et danse, procurant au monde une joie foudroyante, ça n'a pas de mots. C'est extraordinaire. Fou.
C'est beau.
Et pendant le temps d'un film, nous revenons en enfance, la belle enfance. Magique que le cinéma, cet art qui transforme, dépossède, tuméfie.
Le Chant du Missouri emporte, dans son entière totalité. Provoque l'émotion, les larmes aux yeux et la gorge qui se serre lorsque soudain, les notes retentissent, celles du piano, et que l'on chante, et que tout le monde chante.
Judie Garland la belle, lumineuse au milieu du monde, dans son éclatante robe rouge.


Le film aurait pu être parfait en tout point de vu si l'image, à mon avis surexposée, n'avait pas été criblée de blanc, partout, tout le temps. Visages blanchâtres dans une lumière du jour trop lumineuse, sépia trop orangé. Était-ce alors une très mauvaise copie que j'avais devant les yeux ? N'ai-je pas eu de chance ?
Ainsi, il y a l'absolue nécessité de revoir le film en DVD.


Ces quelques détails, malheureusement, gâchent amplement le plaisir de la projection, la beauté du film. Ainsi, l'esthétique des images ressortait considérablement lorsque les personnages se tenaient dans le noir, à pas de loups. Couleurs assombries, contrastées dans l'obscurité de la pièce. Ce moment magique, splendide, lumière éteinte, les deux amants se retrouvant côte à côte, intimidés, lumineux, drôles.
L'humour du film en parcimonie, emplit de finesse, de justesse, de cocasserie, de drôlerie.
Ainsi, c'est un univers rose bonbon, kitch à souhait, à la manière du Magicien d'Oz. Judie Garland et ses sœurs, poupées dans le rose du monde, habits endimanchés, sorties tout droit de La petite maison dans la prairie, kitchs à souhaits, extraordinaires. Poupées humaines fait de chairs. Poupées qui parlent, rient, coiffées comme il faut, mise en plis et tout le bazar.
L'univers acidulé de tout un film, qui nous ramène encore loin dans l'enfance, la poupée posée sur l'étagère, regardant le monde.
Et voilà qu'on s'amourache du voisin juste à côté. Amourettes à l'eau de rose, instants furtifs, chants, tout d'une comédie musicale. C'est beau, c'est limpide, ça vole haut, très haut jusqu'aux étoiles.


Aussi, malgré une histoire schématique empreint d'une légèreté libre, heureuse, il y a de la profondeur partout où l'on pose son regard. Dans chacun des gestes, chacun des personnages, tous emplis d'une belle justesse, d'une belle humanité, à l'humour perspicace et lucide.
Il y a cette belle scène où les cinq enfants réapparaissent dans le salon, après que le père ai fini de chanter et la mère de jouer du piano. Moment touchant où l'on sent la fraternité du cocon familial, l’atmosphère chaleureuse qui submerge tout un chacun. Ainsi les cinq enfants mangent leur énorme part de gâteau, assis de part et d'autre du salon. Un gâteau de conte de fée que l'on vient de découper juste avant, tout coloré de rose, entièrement kitch comme le reste du film. Ces petites choses qui font la vivacité, la vitalité d'un film. Ce gâteau qu'aime tant Tootie, la plus petite, extraordinaire dans son rôle. Les vêtements soignés à la perfection, la foultitude de personnages dans la grande maison :
La mère, le père, les deux sœurs, les deux petites, le frère et la bonne. Huit personnages dans la grande maison bourgeoise des années 1900. Tous vivent à la perfection, et c'est magique, même si certain personnage restent un peu dans l'ombre, comme le personnage du frère et de l'avant dernière sœur, l'une des deux petites. Mais après tout, est-ce vraiment grave ?


Savoir capter le réel d'une époque, être en plein dans les années 1900 du point de vu d'un réalisateur des années 40. Et juste pour cela, c'est magique. Le réel qui perd de sa longitude entre nous et notre époque. L'arrière qui ne fait plus qu'un, le passé qui rentre par chaque pores de notre peau, un tout confondu avec le XXIe siècle.
Cette sensation de proximité immense, intense avec le passé, et surtout ce sentiment d'une chose rare, très rare avec le monde du passé. Car chaque film retranscrit son époque, tous d'une unique façon, propre à chaque œuvre. Car le cinéma est le seul art où nous sommes en capacité d'avoir des traces en temps réel, indélébiles, des vies quotidiennes passées, ignorées. L'art des formes de langage, des attitudes, des modes, des manières d'envisager le monde. Cette impression d'intemporalité suprême, totale, universelle.
Nous pouvons voyager dans le temps à notre guise, rien qu'avec le cinéma. Et cela est bien plus fort qu'avec tout autre art. Capter le quotidien des vies, l'Histoire dans la petite histoire. Le cinéma comme anthropologie, sociologie d'une époque. Pour reprendre le terme d'un livre, nous pouvons parler de socio-historique. Et c'est exactement ça. La sociologie d'un monde à travers l'Histoire.
Rien que pour cela, le cinéma est passionnant, unique. D'une rareté à couper le souffle.


L'enfance au cinéma est un beau témoignage pour retranscrire cela. Les attitudes de l'enfant, époustouflantes, à chaque époques uniques et différentes. Le changement de comportement, de dire. C'est intensément magique.
Le personnage de Tootie le démontre parfaitement. La justesse infime d'une fillette, le langage, la façon de se comporter sortie d'un autre temps, la perspicacité, la justesse, qu'on ne peut retrouver chez des enfants du XXIe il me semble. Rien qu'en cela, cette capacité d'émouvoir avec un mode de comportement introuvable de nos jours, est magique. C'est là tout du cinéma.


Ainsi, abandonnant le jardin enneigé et ses bonhommes de neiges foudroyant de poésie et de perfection, Judie Garland est là, en gros plan, resplendissante, chantant un air à la fillette qui pleure à ses côtés.


Et c'est beau. Et ça s'envole de partout.

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le 6 juil. 2015

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Lunette

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