Les critiques débiles du Masque et la Plume (verbatim)

JG : Le Capital, le nouveau film du toujours engagé et toujours révolté Costa-Gavras. Il s'attaque là au capitalisme sauvage (il n'est pas vraiment le premier...) comme exactement autrefois il dénonçait le stalinisme, les colonels grecs ou Pinochet, euh, sans parler du Vatican pendant la seconde guerre... Euh, avec Gad Elmaleh dans le rôle d'un jeune requin de la finance. Il dénonce cette fois, euh, les ravages, donc, de l'argent fou. On est évidemment très, très loin du Margin Call dont on avait parlé ici l'an passé, qui était formidable sur la décomposition du système, hein, du système financier et capitaliste. Là, c'est terriblement démonstratif, quoi... Thèse-antithèse-prothèse, je trouve... Michel ?


MC : Oui, c'est vrai, par exemple, Le Couperet, son avant-dernier film, j'parle pas du film sur le club méditerranée, sur les... [il rit] ...les sans-papiers ? Les immigrés clandestins ? qui était assez navrant, mais, euh, ça c'est tout de même un peu meilleur, mais par exemple, Le Couperet, c'était un film passionnant, mais alors du point de vue de l'exploité, du point de vue d'une victime, du chômeur... Ici c'est vrai que Costa, il nous montre, euh, au fond une société sans nous apprendre grand-chose, tu as raison de parler de Margin Call, Margin Call n'avait pas besoin de faire la leçon, il avait pas besoin de montrer les méchants, il montrait vraiment...


DH : ...on était dedans...


MC : ...on était dedans et il observait de façon absolument remarquable le, le, tout le fonctionnement du système, du système capitaliste, alors que ici, bon, on sort, évidemment, on a vu... Moi j'ai pas trouvé non plus Gad Elmaleh particulièrement impressionnant, je l'ai trouvé assez... Evidemment, il est à contre-emploi, parfois c'est formidable d'être à contre-emploi, là, je l'ai pas trouvé, donc je le trouve dans l'ensemble... Alors y a la phrase, la phrase qui fait rire beaucoup, c'est "il vole aux pauvres pour donner aux riches" mais je préfère celle de Billy Wilder qui parlait de Samuel Goldwyn, disait : "C'est un Robin des Bois moderne, il vole les riches et il vole les pauvres". Ca, c'est plus intéressant...


JG : Xavier ?


XL : Vous parlez de Margin Call, ce qui est pas très sympathique parce qu'effectivement, ça enfonce encore un peu plus Le Capital, mais il y avait une chose qu'avait compris le réalisateur et l'auteur de Margin Call, c'est qu'il assumait son genre, c'était une vraie tragédie, unité de temps, unité de lieu, ça se passait une nuit, y avait des personnages... Il assumait sa structure...


JG : ...entre tragédie et vrai polar, aussi, hein !


XL : Oui, mais c'est ça, il assumait le non-réalisme de cette fable hyperréaliste qui était effectivement... tout se déroulait pendant une nuit, y avait...


JG : ...la chute de la... je sais plus quelle banque...


XL : Voilà, absolument, mais y avait cette unité de lieu qui, effectivement très anxiogène, contribuait au climat du film. Là, le problème, c'est qu'on ne sait pas du tout où le film veut aller, c'est-à-dire qu'on est à la fois dans une espèce de pamphlet satirique, avec de temps en temps des scènes absurdes, euh, dans une espèce de surréalisme décalé auquel, en plus, Gad Elmaleh est obligé de répondre pour bien nous faire comprendre que : "Eh, c'était faux !", mais attends enfin on avait compris quand même... tellement la mise en scène est d'ailleurs incapable et ça, ça souligne, l'impossibilité de la mise en scène de souligner et de distinguer les choses... Est-ce que c'est un film qui se voudrait hyperréaliste comme laissent supposer les trois premiers quarts d'heure, qui sont super compliqués, avec des dialogues très précis, très contextualisés dans, euh, les, le domaine financier, le vocabulaire qui est utilisé et puis qu'après devient une espèce de petite satire très... très indolore, très gentillette, parce qu'en fonction, qui enfonce des portes ouvertes sur : "Ben ouais, les capitalistes, c'est des méchants, ils sont... ils victimisent le monde entier, on leur redonne de l'argent..." Tout ça est quand même d'une espèce de banalité affligeante, ça part d'assez haut, d'assez ambitieux, pour arriver à quelque chose d'assez fade, finalement, d'assez simpliste et, euh... il y a un vrai problème de mise en scène...


JG : ...le "assez" est de trop, même... Danièle ?


DH : On est embarrassé, parce que, voilà, j'aime Costa-Gavras pour ce qu'il est, pour ce qu'il pense..


JG : Mais tout le monde l'aime !


DH : Oui, mais voilà, bon, donc... Effectivement, je, j'ai essayé de comprendre en tous les cas ce qu'il a voulu faire, c'est-à-dire de partir d'une réalité que nous connaissons tous, dont nous souffrons tous, bon très bien, euh, les excès du capitalisme, le méchant argent, et caetera, et d'en faire un conte, d'en faire une allégorie et de... et de filmer ça comme presque un mauvais rêve. Voilà, donc il a... il a cherché un style glacé, euh... c'est incroyablement propre, incroyablement euh... parfait sur l'image... Bon, on comprend probablement trop bien ce qu'il a voulu faire et qui effectivement perd en force, perd en efficacité et y a une brochette d'acteurs français euh... pas mal employés, Bernard Le Coq, Hippolyte Girardot, Gad Elmaleh est pas mal, il doit y avoir des p'tits banquiers arrivistes qui, qui sont comme lui... Il est presque touchant d'être étonné à ce point là qu'on lui ait demandé de jouer un méchant... Chui pas méchant, qu'y dit, mais je peux faire le méchant... Donc voilà, on est... on est un peu saisi d'attendrissement dans l'intention extrêmement intéressante, qui reste, disons, assez extérieure.


JG : Eric ?


EN : C'en est presque gênant et on a envie de dire à Costa-Gavras comme au banquier "Remboursez !", quand on sort de là... Ca fait longtemps qu'on l'a perdu mais là, il est très, très loin, c'est grave... Ca vient après Wall Street qu'était pas un chef-d'oeuvre mais qui était terriblement efficace. Là, c'est un film poussiéreux, qui arrive trop tard, par un monsieur qui n'a pas l'âge de faire un film comme ça et Gad Elmaleh, le malheureux, il ne peut rien faire et, même s'il y arrivait, ça ne donnerait rien, puisque ce type qui est censé avoir travaillé pendant cinq ans chez Goldman Sachs, on nous le présente comme un puceau hypokhâgneux, tout à fait intimidé, il prend pas de drogue, il tombe amoureux d'une prostituée noire, il est fidèle à sa femme... mais tout est ridicule...


XL : ...c'est un top model...


EN : ...et prostituée...


XL : ... elle est officiellement top model !


EN : ...et c'est exactement le film que nous tous, qui connaissons vaguement cet univers-là, mais sans y avoir...


JG : ...non...


EN : ...été, on aurait écrit. Je n'ai eu aucune surprise, je n'ai rien appris et alors les espèces de coquetteries de mise en scène avec Gad Elmaleh qui s'adresse au public, les scènes euh fantasmées, ça ne marche pas du tout et à tel point qu'à la fin, on se dit y va peut-être y avoir un bêtisier après le générique mais même pas...


JG : Bon, allez, euh, Le Capital de Costa-Gavras, j'crois qu'on n'a rien à ajouter et, j'imagine, pas de réaction dans le public...

Totof
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le 25 oct. 2019

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