Celle qui voyait les esprits

Honnêtement, j'y ai follement cru.

En fait, je ne savais pas de quoi parlait le film, alors quand le personnage principal se met à voir des fantômes, et que ces fantômes n'agissent pas comme dans les habituels films d'épouvante, ça m'a fait du bien et j'ai vraiment cru que Mélanie Laurent s'attaquait à ce cinéma de genre avec élégance et audace. Avec en prime un côté 'Henri James'. J'ai encore été plus agréablement surpris en constatant cet effort d'ancrer le récit dans notre réalité et en conviant ainsi au sein de l'intrigue, Charcot, avec en plus une vision du médecin différente de celle que l'on a habituellement (quand on lit Freud, on sait juste que Charcot était doué et a permis à Freud de trouver des premières clés pour la psychanalyse et ça s'arrête là).

Le souci, c'est que, passé la mise en place de ces ingrédients, ça ne va nulle part. Alors que l'héroïne semblait tétanisée par les apparitions, v'là-t'y pas qu'elle maîtrise très vite la situation une fois internée ; les apparitions sont rares et les conversations finalement assez peu intéressantes, l'auteur exploitant mal son concept. Pour ce qui est du traitement, ça se résume à peu de chose, pourtant ça aussi ça aurait pu participer de l'horreur, avec Charcot qui fait souffrir ses patients dans la plus grande indifférence et pour des résultats très discutables. Mais on fait l'impasse. On ne ressent pas non plus ce que la pauvre captive ressent, on la voit un peu souffrir, mais de façon inexpliquée, on s'intéresse plus à cette infirmière sèche de prime abord mais qui se révèle en fait plutôt normale par la suite, et même assez sympa ensuite (une évolution qui ne se justifie pas).

Il y a aussi la confrontation avec la famille, ce père qui semble si sévèrement injuste et ce couillon de frangin. Sans parler de la mère soumise et de la grand-mère qui fait bien flipper à te regarder t'éloigner après que tu l'aies bordée au lit... Tout cela tombe à l'eau, seul le frère revient plus tard, pour se racheter.

On peut y voir bien sûr une critique assez pertinente de la société patriarcale, c'est dans l'air du temps mais c'est surtout un sujet intéressant que de décortiquer la manière dont les médecins agissaient pour guérir des femmes, même si le film semble ici réducteur (pas un seul homme qui en vaille la peine, sauf peut-être l'intellectuel du début, lisant dans un café).

Quant aux conflits, ils sont là et permettent aux spectateurs de tenir le coup, avec en plus quelques idée bien trouvées et des dialogues intéressants, qui permettent aux personnages d'asseoir leur caractérisation.

La mise en scène est maîtrisée. Un découpage soigné, rigoureux, pertinent et un montage bien rythmé qui donnent l'impression de voir un film américain par moment. La photographie est agréable, le jeu de lumière est par moment assez poussé. Les acteurs et actrices offrent de très belles performances, l'on regrettera peut-être un laisser aller sur la fin plus sentimentale. La reconstitution est assez réussie, tant par les décors, les costumes, les coiffures, les accessoires. L'on appréciera aussi le maquillage réaliste sur Mélanie Laurent qui prend ici 10 ans de plus. On peut dire plein de choses sur Mélanie Laurent mais on ne peut clairement pas lui reprocher un certain talent au poste de réalisatrice et même d'actrice.

Bref, un film décevant dans le sens où l'auteure ne s'investit jamais dans l'un ou l'autre des sujets abordés dans le film mais dont l'emballage ravit malgré tout.