J’adore le cinéma de Edgar Wright ! Je l’ai découvert avec Le Dernier Pub avant la fin du monde un peu par hasard au détour d’une diffusion télé (comme quoi) et je suis immédiatement tombé amoureux de son style et de son humour. Evidemment cet amour ne s’est pas limité qu’a ce film mais c’est propagé à toute la trilogie « Cornetto » et à son Scott Pilgrim Vs. The World. Cependant je n’avais pas été autant convaincu par son dernier film qui était Baby Driver, le film n’est pas mauvais loin de là mais il me paraissait plus quelconque que ses autres films. Finalement seul son gimmick musical le faisait un peu sortir du lot, et encore après Les Gardiens de la galaxie ça ne paraissait pas tant originale que cela dans le paysage cinématographique du cinéma des années 2010, surtout que cette fois il n’y avait pas de raton laveur à la gâchette facile et à la langue bien pendue donc forcément c’était moins bien (attention ici on est au sommet de l’analyse cinématographique !). Donc quand a été annoncé Last Night in Soho, un film où Edgar Wright laisserai de côté l’humour dans lequel il est si bon pour explorer le genre de l’horreur j’étais intrigué il est vrai, fortement attiré pour sûr mais aussi un peu sur la réserve. Cependant le film m’a happé du début à la fin, pas une seule seconde je n’ai été en dehors ! Ce fus une des expériences audiovisuelles les plus intense de ses derniers mois (et pourtant j’ai été servis en expériences forte ces temps-ci).


Ma critique ne s’encombre pas de vous préserver du spoil donc si vous n’avez pas vu le film et que vous n’aimez pas être divulgâché je vous recommande de lire celle de Lordlyonor.
Dès le début de son film Edgar Wright nous rappel à quel point il est irréprochable sur la technique, cette introduction à l’image de tout le film est sublime ! La réalisation est comme à son habitude parfaite, le travail des couleurs magnifique et toute la bande son est vraiment merveilleuse. A noté que cette fois le rythme est beaucoup plus posé que dans ses précédentes œuvres, personnellement je ne trouve pas ça dérangent au contraire, étant donné la différence de ton avec ses anciennes productions ce changement est le bienvenu.


Ce qui m’a irrémédiablement fait rentrer dans le film c’est ce personnage principal parfaitement incarné par Thomasin McKenzie. Eloise (ou Elie comme elle préfère être appelée) est une jeune fille originaire de la campagne qui part étudier sa passion (à savoir la mode) à Londres, arrivée dans la grande ville elle sera au milieu d’un environnement qui lui est totalement étranger et surtout qui sera assez hostile. Etant assez différente des gens de son âge elle sera traitée en bête de foire, moqué et finalement elle restera dans un cocon de solitude bien à l’abris dans son petit monde. Et ça moi ça me parle, j’ai bien connu le fait d’être le petit gars bizarre qui suscitait la moquerie chez les élèves plus « cool » que lui et qui n’attendait de pouvoir se réfugier dans sa bulle bien plus confortable qu’une réalité blessante. Alors forcément je me suis identifié et forcément j’ai très vite été investit dans le parcours de Eloise car selon moi l’identification est probablement un des liens les plus forts qu’on peut avoir avec une œuvre. D’ailleurs pour ceux qui critiquent les personnages de ces filles un peu (beaucoup) connes qui ont choisie Elie comme cible de leurs moqueries puériles, qui les trouves probablement trop exagérées ou caricaturales sachez que non, quand on est du point de vue de la victime c’est exactement comme ça qu’on perçoit ses agresseurs.


Vient donc le moment d’aborder ce qui à mon sens fait de ce film un film important, un film profondément marqué par son époque malgré son esthétique très rétro, son thème. Alors j’ai vu certains dire ici et là que le film surfait de façon opportuniste sur la vague Me To ou que le film traitait de façon trop superficiel le monde de la mode et je pense que ces personnes sont passées à côté du sujet du film (non pas que ces thèmes ne soient pas abordés mais ils n’en sont pas le cœur). Le film parle de nostalgie, et là où il fait du bien c’est que c’est l’anti doudou nostalgique comme peuvent l’être des œuvres comme Stranger Things ou Les Gardiens de la galaxie ou les 15 milliards de suite et remake de vieux succès. Parce que le cocon dans lequel Eloise aime s’enfermer c’est une nostalgie des années 60 (et notamment de sa musique) transmise par l’éducation de sa grand-mère (puisque sa mère est morte lorsqu’elle avait 7 ans), elle a donc une vision fantasmée d’une époque qu’elle n’a pas connue. Le parallèle avec cette nostalgie des années 80/90 généralisé dans notre paysage culturel est évident, une bonne partie du publique de Stranger Things n’a absolument pas connue les années 80 par exemple (et je sais de quoi je parle, j’ai beaucoup aimé la série à l’époque où je l’ai vue).


Là où le film est d’une grande intelligence c’est qu’il ne porte pas de regard accusateur sur Elie, c’est son point de vue à elle qui est le regard du film et c’est à travers ses expérience que le réalisateur nous montrera ce qu’il a à nous montrer et c’est pourquoi les éléments d’horreurs arrivent si tard dans le film. Après avoir gouté à l’amertume de la vie étudiante quand on ne rentre pas dans le moule Eloise va quitter sa collocation pour louer une chambre dans un vieil appartement semblant ne pas avoir été modifié depuis les années 60, et évidement elle va s’y sentir comme chez elle. C’est dans cette chambre qu’Elie va commencer à être transporter en rêve dans le Londres des années 60 à travers les yeux d’une certaine Sandie qui à pour ambition de devenir chanteuse et lors de sa première escapade tout y sera enchanteur et correspondant à sa vision fantasmée de Sixties bien loin de la triste réalité de son époque. Là où Elie est victime de sexisme Sandie semble y être supérieurs et capable de s’y opposer, là où Elie est seul sans personne pour l’aider Sandie se trouve un ami de poids et voit ses railleurs et agresseurs punis. Et étant du point de vue de Elie (et la mise en scène faisant très bien son travail) on est nous aussi charmé et tout comme Elie on est pris d’une insatiable curiosité envers ses rêves qui sembles être réels et elle comme nous avons envie d’y retourner. C’est à ce moment que le film referme son piège, en continuant à fuir cette triste réalité, en se réfugiant dans ce rêve on s’enfonce sans le savoir vers l’enfer que va vivre Eloise à travers Sandie. On peut déjà commencer à voir chez la protagoniste une obsession excessive pour ses rêves quand elle dépense une fortune pour ressembler à Sandie, mais comme elle y trouve aussi l’inspiration pour son projet d’étude tout ne semble pas si mauvais.


Lorsque le film bascule vers le cauchemar c’est tous les défauts de ces année 60 qu’Eloise avait fantasmé qui nous sont renvoyer. L’« amis » de Sandie ne faisait que l’utiliser tel un proxénète, elle qui semblais pouvoir affronter le sexisme doit s’y soumettre pour continuer sa carrière, elle qui semblait si forte est impuissante faces à ses multiples violes qu’elle doit subir pour poursuivre son rêve mué en cauchemar. C’est évidement à ce moment là que la peur s’installe dans le cœur du spectateur et de Eloise qui évidement face à cette réalité insoutenable va chercher à la fuir, elle fuira ses rêves pour ne pas l’affronter, ces mêmes rêves qui lui servait d’échappatoire mais ses visions cauchemardesques la poursuivront au-delà de ses songes. Cette fois-ci Elie est vraiment seule, elle ne peut même plus se raccrocher à son modèle qu’était Sandie, c’est même plutôt Elie qui cherchera à l’aider en vain.


Finalement Eloise s’en sortira en brisant son cocon de solitude acceptant l’aide qu’elle peut puiser autour d’elle notamment de la part de John (aide qui était à sa disposition depuis le début) et surtout non pas en affrontant la triste réalité de son fantasme brisé mais en l’acceptant et en le laissant littéralement mourir. Evidement la nostalgie n’est pas présenter comme étant complètement néfaste puisqu’elle sert d’inspiration à Eloise (mais aussi à notre cher Edgar Wright) et ce jusqu’à la toute fin du film mais elle ne doit pas servir d’échappatoire à notre monde car tôt ou tard cela finira par nous faire plus de mal que ce que l’on fuit.
Finalement ceux qui me connaissent n’aurons pas trop de mal à voir en quoi le procédé a pu me plaire tant il peut se rapprocher de…
- Oh non tu va encore nous parler de Evangelion !
- Non mais c’est vraiment pertinent, dans les deux cas on a une œuvre qui prend la culture dans lequel il baigne pour attirer son publique et mieux le piéger en le mettant face à ses propres contradictions. Deux œuvres qui dénoncent une tendance à se couper du réel encouragé par la culture dans laquelle vive les auteurs de ses œuvres. Alors évidement je ne dis pas que les œuvre sont identiques ou qu’elles racontent exactement la même chose mais le parallèle me semblait assez fort.
- Ouais enfin t’as surtout une passion qui tourne à l’obsession pour cette série.
- Et toi tu parles tout seul c’est ridicule !


Ces deux heures fortes en émotions furent ma meilleure expérience cinématographique de cette année 2021, c’est vraiment très rare qu’un film d’horreurs arrive à m’angoisser (c’est surement dû au côté assez psychologique de cette horreur le rapprochant presque plus d’un thriller paranoïaque). C’est vraiment une honte que le film ait été si mal distribué par Universal, je lui espère un meilleur succès dans le temps et j'espère qu'un jour le cinéma de Wright sera mieux traité.

LucasBorja
9
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le 14 nov. 2021

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Lucas Borja

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