Ce billet se fera en deux parties. Je désirais proposer ma petite contribution à la liste "Top des meilleurs films sur la légende arthurienne" et travailler sur une autre liste consacrée au Moyen-Âge et je me suis dit qu'il serait intéressant de comparer deux oeuvres françaises assez proches dans le temps mais très différentes quant à leur lecture de cette période et au résultat final. En plus elles n'ont pas été beaucoup critiquées donc autant combler cette lacune. Voici donc la version de Bresson à laquelle répondra celle du Perceval de Rohmer.


J'ai découvert Bresson sur le tard. Je suis un invétéré inculte et je ne suis pas un fan absolu de la Nouvelle Vague même si je puis en apprécier certaines oeuvres. Preuve suprême de mauvais goût, je mets des 8 à des merdes pour décérébrés type Mad Max : Fury Road ou 300. Ceci dit au-delà de mes nombreux défauts, j'ai une certaine curiosité. Je me suis donc laissé tenté par Bresson qui est adulé par de nombreux cinéastes de cette fameuse Nouvelle Vague. Ce Lancelot fut donc un dépucelage et, fou que je suis, je vais tenter une seconde expérience avec son Jeanne d'Arc dans quelques temps.


Revenons-en à cette relecture. Il est intéressant de lire et d'écouter l'auteur pour comprendre son travail. Je joins donc un petit lien sympathique qui en dit beaucoup.


https://www.youtube.com/watch?v=WALy7d2eYMU


Gérard Blain a tout compris : ce Lancelot est un film qui s'écoute religieusement. A la limite, je pourrais presque m'arrêter là. Bon, puisque vous insistez car vous semblez poursuivre la lecture si ces mots forment en ce moment du sens dans votre esprit, je ne vais pas vous laisser en plan.
Bresson a une conception totalement radicale du cinéma ; les autres films sur le thème du Graal sont de grosses merdes car les acteurs jouent la comédie, ce qui revient à filmer du théâtre, et tous les réalisateurs se fourvoient dans des reconstitutions ridicules à grand coup de costumes idiots. En plus ces cinéastes osent tout montrer là où Bresson pense qu'il vaut mieux suggérer et livrer des impressions.


L'approche intellectuelle, conceptuelle, est très claire. Tout est millimétré, calibré. Mais par tous les astres, un film ce sont aussi des acteurs, un minimum de comédie. Ici, rien. Cadrages, travail sur le son, ambiances découpées, plan ultra fouillés, mais acteurs, rien. Le gros souci de cet exercice renvoie directement à la logique du cinéaste. Il ne veut pas faire de pornographie, c'est à dire tout montrer, et il n'aime pas les acteurs jouant la comédie. Ainsi se déroule cette histoire visuellement vite chiante et pénible. Les plans sont tronqués à dessein, le montage est parfois ultra rythmé pour suggérer le mouvement, la violence ou que sais-je, l'ambiance sonore est foutrement intéressante mais le non jeu perpétuel des acteurs, leur apparence d'automates récitant un texte vire à la purge. Là où un Only God Forgive, pas vraiment aisé c'est le moins qu'on puisse dire, réussi à nous happer par son ambiance visuelle et sonore, ce Bresson là voit son travail torpillé par le travers d'un non jeu, de visages souvent monolithiques et proches d'une dépression collective. Certains gros plans sont parfaits, tels ces yeux de chevaux qui regardent la furie guerrière, d'autre juste ridicules ou inutiles (vive les pieds en sortie de bain).


Ce Moyen-Âge là est donc un exercice de style qui est loin de m'avoir convaincu. Intéressant sur le fond, vraiment novateur à défaut d'être génial quant à la façon d'aborder le tournois, ce Lancelot est trop conceptualisé ou ritualisé. Autant une scène de nuit suggère admirablement la lumière que représente Guenièvre pour ce pauvre Lancelot, autant certaines séquences de dialogues sont pénibles, parfois grotesques quant à ce non jeu jusqu'au-boutiste.


Un film à écouter donc, ce qui n'est tout de même pas banal, à décortiquer quant à son écriture, à son travail de plan, mais un moment visuellement plutôt pénible et long - 1h20 ! -, parfois trop abstrait sans jamais réussir à envoûter. En ce sens Bresson a été à mes yeux cohérent, il a échoué dans sa quête du Graal.

Aqualudo

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

10

D'autres avis sur Lancelot du Lac

Lancelot du Lac
archibal
1

Camelote

Bresson propose une vision déprimante et sans âme de la légende arthurienne où tout paraît factice. Je n’ai sans doute pas la sensibilité nécessaire pour apprécier ce drame shakespearien aux...

le 11 août 2022

10 j'aime

8

Lancelot du Lac
Aqualudo
4

La quête

Ce billet se fera en deux parties. Je désirais proposer ma petite contribution à la liste "Top des meilleurs films sur la légende arthurienne" et travailler sur une autre liste consacrée au Moyen-Âge...

le 8 oct. 2015

10 j'aime

Lancelot du Lac
Trelkovsky-
6

À la fin restait le Verbe

L'œuvre de Bresson se fait ici des plus ambiguës. La première séquence du film pourrait illustrer la quête du Graal selon le cinéaste ; une quête qui se résumerait alors aux combats passablement...

le 21 avr. 2013

4 j'aime

2

Du même critique

300 : La Naissance d'un empire
Aqualudo
8

Oh ! Oh ! Cet Hector là est vraiment plus doux à palper que quand il livra nos vaisseaux à la flamme

Nom de Zeus, j'aime ce film. Mais alors franchement. Par une certaine forme de miracle, j'ai réussi à atteindre la salle de cinoche sans spoales, sans connaître la moyenne, honteuse, de cette suite...

le 13 mars 2014

115 j'aime

41

L'Armée des 12 singes
Aqualudo
9

"Monsieur, j'ai mal aux cheveux"

Difficile d'entamer la critique d'un film aussi riche, complexe et déroutant. La première fois que j'ai découvert l'objet, soit au cinoche lors de sa sortie, j'ai tout de suite été séduit, sans...

le 12 mars 2013

104 j'aime

1

La Légende d'Hercule
Aqualudo
1

Du sacrifice pour un instant miko

Bien entendu, je savais où j'allais. Bien entendu, je n'avais, après avoir vu la bande-annonce, que peu d'espoirs quant à la qualité de ce que j'allais voir. Mais, franchement, je ne m'attendais tout...

le 20 mars 2014

75 j'aime

23