Je découvre enfin ce classique du film de sabre qui a inspiré Kill Bill. Le film a de nombreux charmes. A commencer par son héroïne, en apparence fragile, avec son parapluie en papier violet.


Le film allie un grand sens du maniérisme et un certain bricolage, par-dessus lequel il faut passer. Techniquement, les combats sont en-dessous de ceux de la série des Zatoichi ou des Baby cart, mais c'est par ses personnages et son ambiance sombre que le film se rattrape.


L'image manque de contuité : certains décors font très studio (la première rencontre de l'héroïne, la prison où elle naît...), d'autres scènes en extérieur, au bord des falaises fouettées par le vent et d'impressionnantes vagues, font très brut. Dans la séquence du flashback, la caméra est très brouillonne, alors qu'elle est très bien cadrée le reste du temps.


Ce qui compense, c'est la formidable composition des plans, par exemple dans le choix des couleurs, alternant des oppositions simples (blanc/noir, et surtout blanc/rouge), ou des explosions de couleurs criardes typiques de ce cinéma des années 1970. Et surtout la manière dont la silhouette, ou le visage très expressif de la jeune héroïne s'incruste dans des compositions très étudiées pour faire sens.


Cela manque d'effets spéciaux, et les scènes de combat reposent beaucoup sur des ellipses, tout comme la narration, qui passe par des diaporamas de dagguerréotypes ou de plans fixes, parce que bon le budget. On est entre le film à petit budget et le théâtre no. Les effets spéciaux ont tous été mis dans les gerbes de sang rouge, qui font la violence de ce film quelque chose d'iréel et de symbolique.


La direction d'acteurs est très bonne, même si les seconds rôles sont délibérément stéréotypés.


Et de manière générale, le film a une ambiance très onirique, avec cet étrange idée que l'histoire de l'héroïne est racontée par un écrivain qui la publie, la publication du livre et les réactions qu'il engendre faisant avancer l'histoire.


L'histoire, justement. On peut à première vue penser à une bête histoire de vengeance : je suis l'enfant du viol de ma mère, je recherche ses violeurs et je les tue. Il y a tout de même des questionnements, surtout concernant la deuxième mort, et l'idée que la vengeance ne fait qu'entretenir un cycle sans fin. Au fonds, c'est aussi l'occasion de dénoncer en bloc la corruption et la perte de valeurs d'une certaine élite japonaise contemporaine (l'ère Meiji n'étant visiblement qu'un mince paravent).

Lady Snowblood est un film intrigant, rugueux et élégant, léché et bricolé tout à la fois. C'est tout son charme.

zardoz6704
8
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le 8 oct. 2022

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zardoz6704

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