Le ciel gronde terriblement, la pluie tombe à torrent et les portes s'ouvrent toutes seules. La première image très ressemblante à celle du dernier film du réalisateur franco-polonais, avec la grisaille en plus, présage déjà d'un carnage mystique. Comme dans son précédent générique, les arbres sont au centre de l'image et on en voit pas le bout afin de relier ciel et terre. Derrière ces axes ce ne sont plus les enfants qui se chamaillent, mais un théâtre. Alors, une ouvreuse invisible nous y invite et nous n'en sortirons qu'1h30 plus tard.
Débauchée on ne sais-où, une femme à l'allure débordée coupe court aux lamentations de fin de journée du seul occupant des lieux. Thomas, auteur-metteur en scène, ne le sait pas encore mais fait là connaissance d'un poison nommé Vanda. Celle-ci se présente sous des airs de grande sotte, voir de Marie-couche-toi-là. D'abord insupportable, Emmanuelle Seigner nous fait très vite percevoir des faces cachée à son personnage. Les duettistes s'adonnent à une confrontation d'abord proche d'un tango. Ils se regardent, semblent intrigués l'un par l'autre mais s'évitent, ne se touchent pas. Mais si cette performance en duo ce rapproche réellement d'une danse, alors ce serait une valse. Les deux acteurs s'accordent pour faire évoluer par petits pas ce récit.
A l'instar de Carnage, une force spirituelle semble les retenir dans cette pièce jusqu'à un certain aboutissement. Notons que la pièce de Yasmina Reza adaptée au cinéma il y a deux ans s'appelle Le Dieu du carnage. Autre présage divin.
L'omniscience grandissante de la protagoniste féminine devient de plus en plus étrange et renversera vite la position de dominance. L’ambivalence, ou ambiguïté, de la parallèle entre les comédiens de planche et leurs rôles est déroutant et perd toute limite au fur et à mesure que le film continue. En même temps que le rapport des personnages, l'irrationnel évolue tout au long du film. Si il est toujours rythmé ce huit-clos gagne en intensité avec la montée en folie. Aussi l'apogée d'un érotisme croissant dans ce film, la dernière scène dévoile une Emmanuelle Seigner sensuelle et sensationnelle.
Nue, venue Venus. Dans le plus un simple appareil après de nombreux changements de tenues symboles d'un être polymorphe. Paradoxalement, l'absurde de cette fin rompt le mystère nous mettant à la fois face à l'évidence et le dingue. La Venus était l'ouvreuse invisible, le quiproquo avait un sens. On quitte le théâtre comme on y est entré, mais le ciel ne pleut plus. La déesse a accomplit son carnage, la salle peut se libérer.