Sublimé par une excellente photographie et relevé par un scénario épuré, the third wife nous offre un très beau voyage exotique dans l'espace et dans le temps en nous faisant pénétrer dans un Vietnam du 19ème siècle très éloigné de nos mœurs modernes.


Que ce soit dans les intérieurs sombres aux lumières tamisées et où l'on entend le frou-frou des vêtements en soie aux couleurs chaudes, intérieurs sobrement meublés de lampes asiatiques, de lits à baldaquin et de voiles opaques caressant les chairs, ou dans les extérieurs grandioses d'une vallée isolée traversée par une douce rivière au milieu de falaises aux formes arrondies et tâchées d'une végétation féconde, la caméra de Ash Mayfair cherche d'abord le Beau – et le trouve avec brio. Si bien que son regard s'attarde souvent sur les corps des femmes, nubiles ou mûres, les déshabille avec pudeur, les caresse et éveille en elles un désir secret.


Mais ces mêmes corps, ces mêmes intérieurs sont aussi le lieu où s'écoule le sang, où l'on réprime violemment le vice, où l'on meurt. Lieux donc de la sensualité mais aussi de la violence – bref, de la vie et de la mort, l'un n'allant jamais sans l'autre. Cette violence s'exerce principalement à travers le poids des traditions de cette société hautement patriarcale, où le noble est légalement polygame et ne veut que d'une progéniture de sexe masculin pour assurer sa descendance, la femme ne formant par conséquent qu'un instrument pour parvenir à ses fins.


Ash Mayfair joue un jeu trouble: au milieu de ce monde hautement féminin où toutes les épouses prétendent satisfaire le maître tout en se prenant au jeu, en se délectant du moment offert, elle s'attarde voluptueusement sur la femme d'un regard complice et comme attiré – tout comme le personnage principal d'ailleurs – traduisant sur une certaine ambiguïté. Mais cela demeure assez subtil, à l'image aussi de ces transitions très soignées et bien claires ou encore des nombreux symboles employés parfois pour suggérer son regard personnel (certaines fleurs sont encore à l'état de bourgeons, d'autres sont déjà ouvertes, et d'autres encore bien épanouies, établissant ainsi une correspondance avec les trois épouses).


Un beau film, rappelant vaguement épouses et concubines, et un début remarquable pour cette jeune cinéaste.

Marlon_B
7
Écrit par

Créée

le 19 avr. 2020

Critique lue 499 fois

2 j'aime

Marlon_B

Écrit par

Critique lue 499 fois

2

D'autres avis sur La Troisième femme

La Troisième femme
Cinephile-doux
6

Du sang sur la soie

Dans sa présentation de La troisième femme, le Festival international de films de Fribourg le décrivait "beau comme un foulard de soie qui essuie des larmes de sang." Ah oui, quand même ! Impossible...

le 20 mars 2019

6 j'aime

La Troisième femme
vincenzobino
9

L’eau de mère

L’eau de mère Viet-Nam: May, 14 ans, est mariée de force à un riche héritier dont le nombre d’épouses pourrait se compter sur les doigts de la main. Comment peut-elle porter cet enfant si jeune et...

le 16 mars 2019

6 j'aime

La Troisième femme
Marlon_B
7

Fleurs et bourgeons

Sublimé par une excellente photographie et relevé par un scénario épuré, the third wife nous offre un très beau voyage exotique dans l'espace et dans le temps en nous faisant pénétrer dans un Vietnam...

le 19 avr. 2020

2 j'aime

Du même critique

Call Me by Your Name
Marlon_B
5

Statue grecque bipède

Reconnaissons d'abord le mérite de Luca Guadagnino qui réussit à créer une ambiance - ce qui n'est pas aussi aisé qu'il ne le paraît - faite de nonchalance estivale, de moiteur sensuelle des corps et...

le 17 janv. 2018

30 j'aime

1

Lady Bird
Marlon_B
5

Girly, cheesy mais indie

Comédie romantique de ciné indé, au ton décalé, assez girly, un peu cheesy, pour grands enfants plutôt que pour adultes, bien américaine, séduisante grâce à ses acteurs (Saoirse Ronan est très...

le 17 janv. 2018

26 j'aime

2

Vitalina Varela
Marlon_B
4

Expérimental

Pedro Costa soulève l'éternel débat artistique opposant les précurseurs de la forme pure, esthètes radicaux comme purent l'être à titre d'exemple Mallarmé en poésie, Mondrian en peinture, Schönberg...

le 25 mars 2020

11 j'aime

11