Beaucoup de couleur au sein d’un monde gris voire très sombre. Des sourires, de la joie, un peu d’entraide et quelques gouttes d’espoir dans un océan de lâcheté et de violence. Ce qui nous est raconté ici n’est pas drôle, mais c’est la beauté, l’art, finalement, qui permet de tenir, de survivre, et, qui sait, de vaincre la laideur de ce monde.
Kyona dessine depuis toujours, les lieux, les gens surtout. Est-ce le plaisir qu’elle y prend, la nécessité de transcrire le monde et de l’adoucir, qui lui permet d’avoir la force de continuer, de lutter, de ne pas se résigner ? Car le monde dans lequel elle est avec ses parents, puis seule avec son frère, n’est pas bien drôle... Sa famille est persécutée pour ce qu’elle est. On pense bien sûr aux Juifs, quand on leur demande de sortir leur or, et il faut savoir que Florence Miailhe a des aïeux qui ont fui des pogroms en Ukraine. Mais les autrices n’ont pas voulu spécifiquement parler des Juifs, il est question de tous ceux qui sont persécutés, chassés, ou tués uniquement pour ce qu’ils sont, pour leurs origines, leur couleur de peau ou leur différence. La famille de Kyona pourrait tout aussi bien être kurde, syrienne ou afghane, entre autres.
Mais le récit est mois centré sur la persécution que sur la migration de ces « mineurs isolés » qui quittent à la fois leur pays et l’enfance, qui doivent surmonter la peur, la séparation, mais aussi la perte. Et affronter de nombreuses menaces entre miliciens, passeurs et de nombreux personnages ambigus. Toutes les étapes du parcours migratoires sont évoquées, dont un terrible camp. Et on convoque atmosphères et personnages de contes familiers, on pense notamment à Hansel et Gretel ou à Baba Yaga.
Heureusement, tout n’est pas noir, les couleurs employées par Florence Miailhe peuvent être chatoyantes, et sa technique de peinture animée produit des images vraiment très belles. Le récit a une valeur universelle et la fin ouverte autorise tous les espoirs, malgré une réalité pour le moins déprimante.