A la fois d'une force émotionnelle poignante et d'une maladresse flagrante, le film d'ouverture du festival de Cannes 2015 ne laisse pas indifférent, malgré son manque de subtilité et d'originalité.
On est toujours entre deux feux, entre des instants d'une justesse frappante et d'autres d'une fiction empruntée.
Il y a un air de déjà vu dans cette histoire, et même dans la façon de la raconter. On peut précisement penser à deux films, sortis très récemment : "Mommy" et "Suzanne".
Le premier, évidement, car la relation mère-fils est aussi troublante que dans le film de Dolan. On pourrait même dire qu'il y a quelque chose de plus authentique dans les personnages de Bercot. Pour autant c'est pas toujours vrai, les rôles restent globalement qu'effleurés. Peut être parce qu'ils sont trop nombreux, les personnages sont plutôt flous voire caricaturaux, mais ils ont tous une importance dans le récit. Comme la place de chacun est restreinte, les propos sont (beaucoup trop) surlignés.
On en vient au second film auquel on a pensé, "Suzanne". Le rôle de Sara Forestier est exactement le même que dans le film de Katell Quillévéré, présenté deux ans avant au même festival. Elle ne raconte rien de plus, ou de différent, son jeu est le même, très borderline, souvent à la limite du surjeu. C'est le choix de l'actrice qui me semble raté, aussi talentueuse soit-elle, elle commence à s'enfermer dans ces personnages toujours trop explosifs. Sara Forestier est maintenant sacrément reconnue, et elle le paye car elle a de plus en plus de mal à se faire oublier dans ses interprétations. C'était déjà le cas avec "Suzanne", sur l'ensemble du casting même. Ici, le reste du casting est surprenant. Car si Sara Forestier est reconnue, que dire de Catherine Deneuve, néanmoins elle dépasse toujours cette notoriété, grande performance de l'actrice en juge des mineurs. Benoit Magimel aussi est épatant, il donne une profonde humanité à son éducateur, avec de vraies failles. Et il y a Rod Paradot. Incroyable prestation de ce tout jeune homme, issu d'un casting "à la sauvage". Malony est tellement fascinant et époustouflant, qu'on peine à croire que tout cela soit composition et jeu d'acteur, et pourtant...
On ne peut que saluer la brillante direction d'acteur de la part d'Emmanuelle Bercot. Sa mise en scène est très généreuse, et il y a des instants d'une fulgurance magnifique. En plus de l'apport du jeu des acteurs, l'utilisation et les choix de musiques sont un puissant vecteur d'émotions. Tout cela en alternant entre moments de violence verbale et physique avec moments de respirations. Les choix d'auteur transparaissent assez clairement. On voit la volonté de montrer le parcours d'un jeune en difficulté dans le circuit judiciaire. Le dessein de cette histoire de vie est de s'en sortir, de sortir de ce circuit qui semble enfermer Malony dans un certaine fatalité. La force du film est de ne jamais prendre position entre optimisme et pessimisme, l'authenticité en ressort d'avantage. Il y a la fois le bon soutien de la juge, de l'éducateur (et autres) pour aider Malony à prendre sa vie en main; et aussi une franche froideur et un amer pragmatisme dans le portrait de ces personnes dans la difficulté. Mais c'est aussi les défauts du film, qui appuie trop son propos. "La Tête Haute" souffre d'une redondance dans ses messages.


Note : 14 / 20

adamkesher01
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le 14 mai 2015

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Adam Kesher

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