Comment une éllipse temporelle peut tout gâcher...

Ce films commence merveilleusement bien, et plus encore.
Dès les premiers instants, le bonheur qui nous est présenté semble déjà compromis, guetté par un malheur qui ne saurait tardé.
Olga Kurylenko est superbe, rayonnante, tant et tant qu'on ne peut que sourire de la voir heureuse. Elle fait partie de ces actrices irrésistibles qui irradient littéralement et renversent tout sur leur passage.
Le mariage commence, et sur ces images d'immense joie sont comme greffées des ondes étranges qui nous empêchent de savourer pleinement le spectacle qu'on nous offre. La caméra nous donne à voir des images de la faune, la flore, de l'usine : le tout avec un regard qui sonne comme un mauvais présage. Et en effet, les scènes de danse sont alternées avec des plans sur les premiers dégâts visibles sur le paysage, les moments du banquet sont suivis d'une séquence montrant l'usine.
Ainsi, si l'on entend le discours de la mariée, on ne la voit pas parler, non. Sur la musique du son de sa voix, la caméra elle fixe sans trembler les corps sans vie de poissons flottant à la surface.

Le drame est là, il arrive au pas de course. Il est inhérent au mariage, il est présent comme une fatalité. Le cinéaste va le filmer, sans aucun jugement, crument, froidement : cette pluie noire qui vient souiller la table du banquet, jusqu'au gâteau entamé des mariés, cette fumée épaisse qui se propage petit à petit en envahissant progressivement les moindres recoins du ciel. Et ce regard glacial qu'on nous impose sur ces dépouilles d'animaux, de chiens, de vaches, de chevaux, de chats. Oui le plan du chat est d'une cruauté sans nom, rapide, glaçant, à faire monter les larmes.
Atrocement marquant, abominablement traumatisant. Presque autant que de voir le visage de la plus heureuse des femmes, si fraichement mariée, se décomposer au fur et à mesure que se déroule l'événement. Ses larmes sont les nôtres, on ne peut pas le dire autrement.

Et là, tout d'un coup, sans transition viennent les mots : 10 ans plus tard...

C'est ainsi que tout s'écroule. Sans rentrer dans trop de détails, la force du film s'en va simultanément.
On est amenés à suivre les mêmes personnages, bien après. Seulement le tout ne décolle pas, on se trouve balancés d'une histoire à une autre sans s'y accrocher vraiment. Les visites de touristes nous lassent (comme elles la lassent, elle).
Elle, justement, n'a plus la moindre trace du charme que nous ne pouvions que lui trouver au début du film. C'est volontaire, sans doute. Seulement si sa bonne humeur s'en va, l'attachement que nous avions pour elle s'en va également. Cette femme décolorée, désormais dépourvue d'amour, presque sans âme, n'est plus la même. Détruite certes, mais bien plus. Dénaturée.

Cette seconde partie (qui dure bien plus de la moitié du film) traîne en longueur, c'est une longue quête, pour tous ceux qui ont vécus ce drame, à la recherche d'une raison d'avancer. Les tentatives de s'échapper de ce lieu empli de souvenirs qui leur est si cher sont nombreuses, les semblants de passages à une autre vie, les nouvelles fondations de relations avec d'autres personnes.

Non, cette seconde partie (principale partie) n'a pas même la moitié de la force de ce début. Et même si elle en touchera certains, je doute qu'on puisse véritablement la reconnaître de qualité égale.
Quel dommage...

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le 19 avr. 2012

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emmanazoe

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