La Terre et le Sang par pierrick_D_

Des truands volent de la drogue dans les scellés d'une gendarmerie mais l'un d'eux,plutôt que de remettre le butin au chef du gang,le garde pour lui et oblige son jeune frère,employé dans une scierie,à planquer la schnouf sur son lieu de travail.Adama,le caïd floué,découvre l'arnaque et se pointe avec ses hommes pour récupérer son bien mais Saïd,le patron de l'entreprise,décide de résister et là c'est la guerre car c'est un mec qu'il ne faut pas faire scier.Ce thriller en forme de western rural se révèle très décevant venant de Julien Leclercq,son réalisateur et scénariste,qui nous a habitués à beaucoup mieux avec des films tels que "Braqueurs" ou "L'assaut".Peut-être est-ce dû au fait qu'il ne s'agit pas d'un vrai film de cinéma mais d'une production Netflix diffusée sur la plateforme,d'où sans doute le manque de moyens,de sérieux et de motivation caractérisant l'oeuvre.On retrouve certes le style Leclercq,,cette mise en scène froide et clinique,cette brutalité impitoyable,ces personnages glaciaux,ces décors impersonnels et hiératiques aux couleurs grises et blanches dépressives,mais l'histoire ne fonctionne pas et la sauce ne prend jamais.Le but apparent est de ressusciter le vieux polar campagnard à l'ancienne,quelque part entre "Les grandes gueules" et "La horse",en le traitant hélas à la manière décadente de "Total western".Ca débute assez bien mais le film déraille complètement dès que les affreux débarquent à la scierie,l'intrigue prenant alors la forme d'un improbable combat matérialisé par un jeu de cache-cache à travers les locaux et les bois environnants,avec une série fastidieuse de poursuites,de fusillades et d'explosions montrées par le biais d'un montage parallèle aléatoire vu que les deux groupes,assaillants et assaillis,se sont divisés en deux équipes.Quelques éclairs de violence sauvage et une fin tragique relèveront la saveur du plat mais l'ensemble reste très moyen,d'autant que la logique est absente des débats.Pourquoi Saïd déclenche-t-il ce barouf,risquant de mettre tout le monde en danger,notamment sa fille chérie?Il lui suffirait de filer la came aux bandits et basta.Bon,là il n'y aurait plus de film,évidemment,mais Leclercq et son coauteur Jérémie Guez auraient quand même pu présenter une justification crédible à cette attitude.Quant à la façon dont les malfaiteurs s'y prennent,on se sépare pour bien se faire dégommer un par un et on balance un max de munitions dans le décor,elle est d'un ridicule absolu.Sami Bouajila,l'acteur fétiche du cinéaste,est une fois de plus formidable en type bien accablé par le sort.Son jeu minéral restitue parfaitement la résilience de ce chef d'entreprise courageux condamné à court terme par un cancer,dont les affaires périclitent,qui a une fille sourde-muette et qui in fine est attaqué par une bande de racailles.On a connu destinées plus riantes.Adama,c'est l'éternellement sous-employé Eriq Ebouaney,impeccable en caïd cruel,pragmatique et insensible,mais qu'on voit trop peu.Samy Seghir tient idéalement le rôle de l'employé indélicat qui,influencé par son frangin criminel,sera à l'origine du carnage.Comme dans "Les grandes gueules",le film traite de manière dubitative le système de la réinsertion des délinquants car Saïd a embauché Yanis dans ce cadre et il a visiblement eu tort.La fille handicapée est Sofia Lesaffre,qui nous fait de la langue des signes en mode "La famille Bélier".L'actrice de "Seuls" ou "Les trois frères:le retour" joue excellemment sa partition et son duo père-fille avec Bouajila est convaincant.