Comment réussir un premier film? C’est de tout évidence le sujet et la mise en scène de César Augusto Acevedo qui permettent à cette première oeuvre d’être de loin, une des meilleures de la dernière édition du festival de Cannes: Caméra d’or ainsi que 3 autres prix remportés lors de la semaine de la critique.


Un vieil homme revient au sein de son foyer pour assister avec bienveillance sa famille qu’il a pourtant abandonnée plus tôt. Il doit faire face à la maladie de son fils et à l’amertume de son ex-femme. Ce drame familiale, comme beaucoup de grand film, s’ouvre sur un magnifique premier plan où tout est exposé ou presque :
Une route tracée en pleine culture de cannes à sucre, plantée là par l’homme, domine intégralement le cadre.


Alfonso marche seul en direction de la demeure familiale lorsque derrière lui un camion remorque avance dans le champs de la caméra et force le vieil homme à se cacher dans les plantes pour ne pas être fauché. Nous subissions aussi le passage de ce camion qui en traversant le champ emplie complètement le cadre d’une poussière épaisse. Les enjeux sont immédiatement dessinés: L’industrie agro-alimentaire représentée ici par ce remorqueur, venant ramasser les tiges de cannes à sucres découpées au préalable par la population locale au prix de leur santé, représente le réel antagoniste du film.


L’Homme n’a pourtant aucune espèce d’importance dans ce procédé agro-industriel. Il n’est qu’une main d’oeuvre qui une fois esquintée, se voit être destinée à la pauvreté, la poussière voir même à l’état de cendre.
La mise en scène précise et esthétique d’Acevedo complètent ce drame familiale en illustrant des enjeux sociaux sans jamais alourdir le film.
Ici tout est lié, la culture artificielle, la recherche du profit au détriment des employés, la pénibilité du travail, la santé conduisent à la pauvreté et donc la destruction familiale.
Le tout exprimé par de longs et lents plans séquences en travelling qui démontrent le peu de liberté que possède chaque membres de cette famille, ainsi qu’un cadrage saisissant, qui en impose par la richesse des métaphores qu’il file, mélangeant une beauté formelle et une signification appuyée.


Le récit quant à lui divulgue le strict nécessaire afin de nous mener subtilement à une mélancolie familiale. Tout y est réuni pour qu'Acevedo accomplisse avec une immense maîtrise le retour à l’état de cendre. Il faudra quitter cette terre maudite. Qui suivra Alfonso? L’homme de la terre et de l’ombre.

Stucy
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le 18 févr. 2016

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