Quand l’atmosphère oppressant d’un certain cinéma d’épouvante des années 60 se trouve emprisonné dans un univers baroque au sein d’une peinture antifasciste, l’étrange, mais néanmoins délicieux mélange à pour nom, un lieu : «La Résidence». Un titre collégial pour une demeure qui ne l’est pas moins. Située en pleine Provence française au XIXe siècle, cette immense bâtisse sera devant la caméra du réalisateur uruguayen Narciso Ibanes Serrador, l’unique décorum d’une vague de disparitions et de meurtres étranges. Cette imposante forteresse, de part son architecture gothique accueille en ses murs, un pensionnat pour jeunes filles. L’endroit, lugubre à souhait est régi d’une main de fer par une certaine Mlle Fourneau (Lili Palmer), affublée de son adolescent de fils avec lequel elle entretient de drôles de rapports. Mlle Fourneau est accompagné dans sa mission éducative par certaines élèves déléguées (plutôt disciples), la délation fait rage et il règne dans ces couloirs sombres, ces alcôves, ces salles de classe et ces dortoirs, une discipline quasi-dictatoriale (nous sommes en 1969 et le réalisateur en profite pour tacler l’Espagne franquiste). Le temps semble s’être arrêté dans ce microcosme digne d’un couvent, seules quelques personnes des villages voisins franchissant le seuil de la résidence rappellent qu’il y a un monde à l’extérieur de ces murs. Le décor magnifiquement macabre et les jeunes actrices sont partis prenantes dans la qualité du film, mais la plus grande force du long-métrage est sans nul doute le rôle de l’actrice Lili Palmer prêtant ses traits à cette véritable mère maquerelle à l’attitude froide et à l’érotisme sous-jacent, une posture troublante qui a peut-être inspiré Dario Argento pour Mme Blanc (Joan Bennett), la gouvernante de son chef-d’œuvre «Suspiria». Un parti-pris gagnant car le film oscille autour de l’actrice allemande, véritable poutre "maîtresse" (sans jeu de mots aucun) de ce huis clos suffocant où la sensualité et la beauté de l’innocence se disputent l’horreur des lieux jusqu’au déroutant épilogue.