La Région centrale par renardquif

-Un film d'auteur de Michael Snow, daté donc de 1971. J'ai voulu voir ce film après avoir lu une interview de Straub quelque part où il en disait le plus grand bien et le citait chaudement. Straub qui cite un film d'auteur chaudement, on ne voit pas souvent un truc pareil (et ma foi il a raison, vu ce qui se fait globalement dans ce "domaine"...). Bon, c'est un film qui, comme les films des Straub d'ailleurs, ne croit pas sérieusement en le cinéma, il y croit mais il y croit en second lieu, par procuration, parce qu'il n'y'a rien à faire d'autre quoi, ça, ça me touche, et c'est la bonne façon de voir le cinéma. Je trouve que ce film est la quintessence du cinéma d'auteur, pourquoi, car le cinéaste a un regard tellement pur qu'il filme la terre comme un robot de la NASA filmerait la planète Mars; le cinéaste s'extasie sur un bout de terre nue pendant 3 heures, et ça c'est de l'image en tant qu'elle permet de révéler l'éternel mystère de la création Divine dans toute sa simplicité sa nudité et sa disponibilité immédiate pour n'importe quel péquenaud de n'importe quel coin du monde. Voilà donc un auteur qui en avait tout simplement dans le ventre quoi, pour oser "infantiliser" la mise-en-scène à ce point, la nettoyer, la "laver de ses pêchés" presque, pourrait-on dire. Un des plus beaux films des années 70. Peut-être même de tous les temps; c'est dommage que le réalisateur ait fait si peu de films mais ça ne fait rien car il a dit déjà l'essentiel de ce qu'il avait à dire esthétiquement parlant avec ce film, probablement.

-La contradiction du film : Pour dévoiler le Grand Tout, le cinéaste montre le petit rien (un bout de terre perdue). C'est le contraire d'un Malik (entre mille autres cinéastes hein, c'est juste un exemple), qui lui montre le Grand Tout, et qui finit par-là par dévoiler son petit rien. On peut juger un film (ou un homme) seulement en regardant ce qu'il montre et ce qu'il cache, et en regardant les contrastes qu'il développe, photogramme par photogramme, est-ce qu'il a le courage ou non de tenir le coup face au Bulldozer du progrès, ou est-ce qu'il finit par craquer et par appeler à l'aide des éléments bourgeois comme le fait Malik (la beauté de la tour eiffel, de la pelouse de son jardin, de sa villa, de sa belle femme, de Brad Pitt, et de je ne sais qui); oui, sauf que pas tout le monde a une vue sur la tour eiffel, un jardin, une villa, une belle femme, ou la gueule de Brad Pitt... mais, ceci dit, tout le monde peut voir un bout de terre nue, tout le monde peut voir une rue, tout le monde peut voir un arbre, donc, c'est ça qu'il faut filmer, parce que ce sont des images qui, de par leur disponibilité immédiate à la sensibilité, je dis bien immédiate hein, il ne faut pas aller dans une galerie d'art contemporain pour en trouver ni avoir un diplôme pour les goûter, provoquent non pas un caprice d'individualisation et une envie de se distinguer du prochain mais un besoin de communion et d'aimer son prochain). en somme, ce film très simple au demeurant nous permet d'avancer dans la bonne voie de la vie, et nous éloigne de la mauvaise, je trouve.