La Rafle par pierrick_D_

Le 16 juillet 1942 treize mille juifs étrangers sont nassés à Paris et enfermés au Vélodrome d'Hiver avant d'être transférés dans les camps de Drancy,Pithiviers et Beaune-la-Rolande puis envoyés à l'extermination en Europe de l'Est.Pour écrire et réaliser son film,Roselyne Bosch s'est appuyée sur les souvenirs de Joseph Weismann,alors enfant,qui survivra en s'échappant du camp de Beaune.Elle s'attache donc au destin de sa famille et des autres juifs de son quartier durant ces sinistres évènements.La Rafle du Vél' d'Hiv' donc.Cette épouvantable saloperie a fait l'objet d'autres films plus ou moins réussis,de l'excellent "Les guichets du Louvre" au moyen "Elle s'appelait Sarah",bizarrement sorti la même année que "La rafle" et contenant également des scènes se déroulant au Vélodrome et à Beaune-la-Rolande,d'où un personnage s'évade aussi.Dans le même genre il y a "Monsieur Klein" et "Les enfants de la chance",qui retrace le destin de Maurice Grosman,autre gamin épargné par la Shoah mais séparé de sa famille massacrée.Le danger avec ce type de film est que les auteurs se reposent sur la force du sujet et oublient de faire du cinéma,ce qui est un peu le cas ici.Ca ressemble pas mal à un téléfilm édifiant avec reconstitution figée et laborieuse,direction d'acteurs hasardeuse et assemblage de scènes maladroit.Ainsi la partie historique est assez ratée et fait sortir du film avec ces brusques surgissements de séquences introduisant des apartés peu convaincants entre Pétain et Laval,entre le préfet Bousquet,le grand copain de Mitterrand,lui-même secrétaire d'état à Vichy,et la Gestapo,ou ces surréalistes scènes avec Hitler et sa clique.Ceci dit c'est mal foutu mais souvent instructif.Il est clairement établi que les autorités françaises ne contrôlaient pas grand-chose et étaient bel et bien soumises aux diktats allemands,que cependant le zèle collaborationniste de Laval ou Bousquet s'est révélé désastreux ou que Pétain a clairement décidé d'épargner les juifs français,allégation qui a récemment valu à Zemmour un tombereau d'insultes.Le film est d'ailleurs équilibré et évite les anathèmes,décrivant une France très partagée quant à ces questions.Il y a des salopards de collabos convaincus mais aussi beaucoup de Justes qui font leur possible pour sauver leurs compatriotes israélites,même s'ils n'ont pas la nationalité française.Et puis surtout il y a ceux qui ne veulent pas prendre partie,qui ont peur ou que ces histoires dépassent.Par conséquent on voit se côtoyer des policiers hargneux,des miliciens fanatisés,des riverains racistes,mais aussi un curé qui porte l'étoile jaune en signe de protestation,une concierge qui avertit de la rafle,une voisine goy qui tente de faire passer un enfant juif pour le sien,des prostituées qui recueillent une ado et un bébé en fuite,une jeune infirmière tout juste sortie d'école qui va accompagner les déportés autant qu'elle le pourra,des pompiers sortant les lances à incendie pour désaltérer les captifs du Vél' d'Hiv',avec au milieu de tout ça des gendarmes ou des policiers indécis mais forcés de suivre des ordres qu'ils ont honte d'accomplir.Les désaccords traversent également la communauté juive,entre ceux qui veulent fuir,ceux qui font confiance à cet état français qui les a accueillis et ceux qui,conscients d'être pris au piège,ne savent comment réagir.Le glissement progressif du statut des juifs est clairement montré,avec d'abord le port de l'étoile jaune,puis l'interdiction de travail et de lieux publics,mesure qu'on connait ici et maintenant via le passe sanitaire,et après il y en aura encore pour prétendre qu'elle n'est pas d'inspiration nazie.C'est quand le film se concentre sur l'humain plus que sur le politique qu'il devient efficace.Scènes atroces de la rafle avec ses violences diverses exercées sur une population majoritairement constituée de femmes,d'enfants et de vieillards,parcage dégueulasse au Vélodrome dans des conditions sanitaires catastrophiques,emprisonnement sommaire à Beaune avant la séparation des familles et les transports vers la mort dans des wagons à bestiaux,pendant que les autorités dealent avec les boches pour établir une lugubre comptabilité.Combien d'adultes?Combien d'enfants?Et les chambres à gaz qui ne sont pas encore tout-à-fait prêtes,ce qui retarde le voyage.Et pourtant il y a au milieu de cette horreur des moments de grâce,des rires,des danses,des jeux de mômes,comme si la vie continuait malgré tout.Au sein d'une distribution pléthorique on peut regretter que la plupart des enfants,probablement mal dirigés,jouent extrêmement mal,principalement Hugo Leverdez qui incarne Joseph et les frangins Mathieu et Romain Di Concetto qui interprètent le même rôle du petit Noé.En revanche Oliver Cywie,qui incarne Simon,est très juste.Du côté des adultes c'est plutôt excellent.Jean Reno a l'autorité et la massivité empruntée qu'il faut en médecin juif dévoué obligé d'exercer dans des conditions catastrophiques et Mélanie Laurent est d'une empathie bouleversante en infirmière confrontée au pire.Son personnage,Annette Monod,a réellement existé,on l'a surnommée l'Ange de Drancy.Gad Elmaleh est très bon en juif polonais communiste persuadé qu'il n'a rien à craindre en France,ce qui s'avèrera être une erreur fatale.Belle performance également d'une émouvante et digne Raphaëlle Agogué qui joue son épouse.Pour le reste les talents confirmés de Sylvie Testud,Anne Brochet,Catherine Allégret,Isabelle Gélinas,Thierry Frémont,Catherine Hosmalin,Armelle,Jean-Pierre Lorit,Jean-Michel Noirey,impressionnant en Pierre Laval suave et faux-jeton ou le génial Denis Ménochet,gendarme commandant le camp de Beaune et dont la dureté inflexible vacille progressivement,une détresse à peine perceptible voilant son regard,voisinent avec les stars en herbe Rebecca Marder,Adèle Exarchopoulos ou Swann Arlaud,tandis que des acteurs moins connus mais bien castés apparaissent ici et là à l'exemple d'Anne Benoît,Ariane Séguillon,François Bureloup ou la tronche ravagée de Grégory Gatignol en milicien déterminé,un rôle qu'il reprendra l'année suivante dans "La nouvelle guerre des boutons".