C'est ce que dit, à un moment clé du film, Émile à Léo (qui est, en fait, Marie-Luce déguisée en Léo, mais ça Émile l'ignore encore) et c'est typiquement le genre de phrase qu'un scénariste lambda met dans la bouche d'un de ses personnages, phrase exprimant le raisonnement suivant : T'es homo ? Ben, si t'es un mec, aie les couilles de l'assumer ; arrête avec tes mensonges (titre d'un opus récent), assume ta vérité. C'est en mettant dans la tête de certains ados des phrases comme ça, qu'on fout leur vie en l'air, en tout cas qu'on la leur rend encore plus difficile à vivre qu'elle ne serait. Le monde occidental d'aujourd'hui ne permet pas et, avec son islamisation progressive, permettra de moins en moins, de vivre à découvert une sexualité qui ne se conforme pas au modèle dominant traditionnel : l'hétérosexualité. Tout le monde sait ça. Dans sa famille, dans son quartier, dans son immeuble, dans son métier, il faut afficher son appartenance à ce modèle sexuel dominant, sinon on est vilipendé, calomnié, volé, exclu, condamné à la mort sociale. S'assumer homosexuel aujourd'hui et le vivre au grand jour est suicidaire. Il y a quelques rares exceptions, mais elles sont là pour confirmer la règle. D'ailleurs, dire la vérité est suicidaire. « Il faut choisir : mentir ou mourir », disait tel grand écrivain, et ça se vérifie tous les jours.

Alors, "avoir les couilles de s'assumer", c'est bien joli à dire, mais uniquement dans une comédie et notamment pensée et réalisée par qui n'en a pas (des couilles), ici : Victoria Bedos (la fille de Guy, la soeur de Nicolas).

Donc surtout, dans la vie réelle, ne pas prendre au sérieux ce genre d'injonction, ne pas se laisser berner par les "grandes phrases" (exaltant le panache et la liberté) de ceux dont le but premier est de faire le maximum d'entrées en salles pour rentabiliser les frais de production ; bien garder à l'esprit que tout ça n'est que du ciné (à la fois : "parenthèse magique" et entreprise commerciale).

Cette mise au point faite, La plus belle pour aller danser s'avère être une comédie assez charmante et plutôt réussie, une comédie mêlant adroitement les jeunes (ils sont supposés avoir 14-15 ans dans le film, même si les comédiens qui les jouent en ont probablement un peu plus) et une huitaine de vieux vivant dans une maison de retraite familiale dirigée par Vincent Bison / Philippe Katerine, qui joue le père de la jeune actrice principale Brune Moulin moyennement mignonne en Marie-Luce (dur de s'appeler ainsi quand on a 14 ans et qu'on arrive dans un nouveau lycée, une nouvelle classe, où le surnom tout de suite trouvé de : "Marie suce" ne rend pas l'intégration facile) et très mignonne en Léo (prétendument un intrus débarquant d'on ne sait où et instantanément adopté par la bande de lycéens animant l'histoire mise en scène). L'argument du scénario repose largement sur la confusion des genres et des sentiments et, s'inspirant de Marivaux (et même, en remontant plus loin, de Shakespeare), est assez malin bien que tiré par les cheveux : Marie-Luce tombe raide dingue dès la rentrée des classes d'un autre nouvel élève, Émile qui, lui, ne la calcule pas jusqu'au soir où il la voit déguisée en Léo, un jeune et joli mec venu, selon toute apparence, s'incruster dans la fête organisée par une fille de la classe. Émile, qui préfère les mecs alors que toutes les meufs de sa classe sont en pamoison devant lui, entame une relation amoureuse (de type roulage de patins) avec Léo (en fait, Marie-Luce, mais il ne la reconnaît pas sous son déguisement), puisqu'ils se kiffent mutuellement. S'ensuivent pas mal de quiproquos, etc. jusqu'au moment où, lors d'une balade à bicyclettes en forêt, Émile en vient à embrasser Léo devant le reste de la bande, car lui il a "les couilles d'assumer son homosexualité". Suite à quoi : bagarre, découverte de la supercherie, rupture d'Émile, désespoir de Marie-Luce, etc.. Cependant, comme on est dans une comédie mélangeant fantaisie, loufoque et merveilleux, tout s'arrange à la fin, de façon décontractée, voire un peu "mon cul sur la commode" (la toute dernière scène rappelant assez celle des Amours imaginaires de Xavier Dolan).

Indépendamment du scénario (qui, techniquement, est cynique mais assez adroit, malin), le film se regarde avec un certain plaisir parce qu'il est porté par deux très jeunes comédiens charmants, pleins de fraîcheur et que leur couple "fonctionne". Marie-Luce / Léo est donc joué(e) par Brune Moulin, et son chéri, Émile, par Loup Pinard. Je ne les avais jamais vus avant, mais ils sont très bien dans leurs rôles : tendres, mignons, innocents, et le film leur doit beaucoup https://www.allocine.fr/personne/fichepersonne-877832/photos/detail/?cmediafile=21988449. Les autres ados, qui peuplent la classe et l'écran, sont pas mal non plus, mais un gros cran en dessous. J'ai trouvé les "vieux" moins réussis, bien qu'interprétés par des acteurs connus ou ayant eu leur heure de gloire. Ils n'ont pas grand chose à jouer et dressent un tableau assez peu réjouissant de ces maisons de famille pour personnes âgées, lesquelles sont soit pleines de regret, soit proches du gâtisme.

Pour résumer, c'est quand même un joli petit film, une comédie inconséquente mais amusante et qui vous met de plutôt bonne humeur, le spectateur recevant ce qu'il est venu chercher : 90 minutes de détente bon enfant et légèrement euphorisante.

Ensuite, on quitte son fauteuil et... retour aux dures (et parfois machiavéliques) réalités du monde et du siècle.

Fleming
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le 28 avr. 2023

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