Histoire d'un général criminel.

"La nuit des généraux" est un film que j'ai vu à plusieurs reprises toujours avec le même intérêt et, pourquoi pas, le même plaisir.

Je ne sais pas s'il y a une référence historique à une personne (nazie)qui a eu existé. Le scénario est tiré de deux romans (que je ne connais pas) et a été établi par Joseph Kessel, une référence (enfin, pour moi). En fait c'est une question un peu académique. Ce film est un brillant exercice de style dans lequel, en pleine guerre, un flic allemand militaire, assez gradé puisqu'il est commandant puis lieutenant-colonel, mène une enquête relative à des crimes sexuels commis probablement par un général de l'armée allemande.

C'est, tout de même, un peu outrecuidant de rechercher un "général criminel" dans une armée. On pourrait même parler de pléonasme car le métier de général est bien de tuer, n'est-ce pas. Là où l'exercice devient intéressant c'est qu'à travers cette enquête, le cinéaste nous convie à une analyse des comportements de plusieurs éléments de l'armée allemande que ce soit des généraux mais aussi de leurs subordonnés de 1942 à 1944 et au-delà de la guerre c'est-à-dire d'une période où les nazis étaient triomphants à une période où la guerre était en passe d'être perdue.
Et c'est bien comme un exercice intellectuel ou une parabole qu'il faut regarder ce film en faisant abstraction des inévitables - petites - invraisemblances du scénario nécessaires à la cohésion de la démonstration. Par exemple, un général allemand qui fait des réflexions - à voix haute - sur la conduite de la guerre à Varsovie en 1942 me parait plus qu'improbable.

C'est côté casting qu'on a le plaisir de trouver de grands acteurs :
D'abord Omar Sharif dans le rôle du flic militaire qui mène l'enquête et se trouve face à trois généraux potentiellement coupables. Toujours avec le sourire, il joue le rôle de la mouche du coche qui croit, dur comme fer, à la justice dans un contexte où on ne compte plus les morts directs ou collatéraux.
A Paris, Omar Sharif se fera aider d'un flic français joué par Philippe Noiret qui la joue "grand seigneur au dessus de la mêlée".

Parmi les généraux allemands, on trouve Peter O'Toole, dans un rôle glaçant de machine à tuer, de psychopathe officiellement adoubé par les nazis ; curieusement, lors d'une visite du Louvre, il est fasciné par le fameux autoportrait de Van Gogh fait par le peintre alors dans un asile psychiatrique.
On trouve aussi Donald Pleasance dans un rôle de général allemand sarcastique dont le comportement, plus humain, est diamétralement opposé à celui de Peter O'Toole puisque dès 1942, à Varsovie, il ne semble plus très confiant dans la victoire.
J'ai bien aimé les personnages de Ulrike (Joanna Pettet) et surtout du caporal Hartman (très bon Tom Courtenay) qui fait des pieds et des mains pour ne plus être affecté dans les zones de combats.

Au final, "la Nuit des Généraux" se révèle un film atypique, intéressant et qui interpelle sur la notion de justice en temps de guerre et sur les comportements de certains, militaires ou pas, qui peuvent profiter de leur situation pour assouvir de basses pulsions.