Moscou dans les années 50. Staline est à son apogée, le culte autour de sa personnalité n’a jamais été aussi fort. Son règne est sans partage et gare à celui qui voudra y mettre fin : sa liste d’ennemis grossit à sa guise et ne diminue qu’au fil des exécutions du NKVD, sa police politique menée d’une main de fer par son chef Lavrenti Beria. Mais le dictateur n’en est pas moins un homme et il ignore encore qu’il s’apprête à lui-même mourir. Cette disparition n’est que le prétexte pour Armando Iannucci pour jeter un regard acerbe sur l’entourage du dictateur, qui passera moins de temps à le pleurer qu’à manigancer pour prendre sa place.


S’il ne fait qu’adapter un roman graphique existant, le réalisateur trouve dans l’œuvre de Fabien Nury et Thierry Robin la matière pour compléter une œuvre déjà bien tournée vers la satire politique. Dans Veep, il décrivait une vice-présidente d’une incompétence notoire. Avec La Mort de Staline, il prend le parti de faire rire avec la veulerie, les guerres d’ego, les manigances. Il réussit surtout l’incroyable pari de montrer sans nuances la dureté de la société stalinienne où les morts pleuvent et la terreur règne, mais le tout avec un goût marqué pour l’humour noir, cynique et corrosif à souhait.


Le côté choral du film (tous les sbires de Staline sont représentés, comme Nikita Khrouchtchev (Steve Buscemi), Lavrenti Beria (Simon Russell Beale) ou Georgy Malenkov (Jeffrey Tambor) donne un petit côté théâtral au tout, chacun étant au travers de la caricature un archétype du politique. Le scénario, piquant au possible, est renforcé par les interprétations de ce casting au service de la satire, où les répliques et la loufoquerie font le travail. Du reste, derrière l’humour so british d’Armando Iannucci, se trouve dans la Mort de Staline une critique acerbe de l’autoritarisme et de la corruption des hommes de pouvoir. Une critique salutaire et moderne qui ne trouvera pas écho au pays du « Petit père des peuples », qui a préféré interdire le film…

Adao
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le 28 mars 2018

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