La Marseillaise

Encore un film où je vais avoir un mal fou à établir une critique puis mettre une note.

Le sujet : on est entre 1789 et 1792 et des bataillons sont constitués dans les provinces françaises pour converger vers Paris pour contribuer à la chute de la monarchie et défendre la patrie menacée par l'armée autrichienne réunie pour appuyer les aristocrates français émigrés désireux de revenir en France afin de virer les révolutionnaires. La Révolution est vue à travers les yeux du bataillon marseillais qui apporte comme importante contribution le chant "la Marseillaise".

Le choix du scénario : montrer la Révolution par la petite Histoire en s'intéressant d'abord aux histoires individuelles des gens qui portent certaines valeurs ou flétrissures ou déboires dus principalement au régime politique monarchique. Du coup, le film va passer un long moment à décortiquer certains personnages marseillais "typiques" (avé l'assent) et leurs motivations pratico-pratiques. Même du côté de la monarchie, on voit un Louis XVI qui a un bon coup de fourchette et qui découvre la tomate ou encore à Coblence le futur Louis XVIII prendre souci d'un pas de danse. Bien sûr, il y a les incontournables "C'est une révolte ? non, Sire, c'est une révolution" et Roederer qui invite Louis XVI à quitter les Tuileries qui vont être attaquées pour se réfugier à l'Assemblée nationale. Il manque juste le fameux "ils n'ont pas de pain ! Qu'on leur donne de la brioche".

J'avoue que ce film m'embête car je ne sais pas ce qui relève de l'idéologie que veut transmettre Jean Renoir à travers ce film ou ce qui relève du simple réalisme dont Jean Renoir est coutumier.

On sait, par exemple, que le film a été financé en partie par la CGT, qu'une partie des figurants en venaient. Le film a été réalisé en 1937 pour sortir en 1938. On y trouve à travers les dialogues des personnages populaires notamment marseillais des allusions claires au contexte politique de l'époque qui était le front populaire. Je soupçonne en fait une relecture de la Révolution sur la base d'éléments des années 30 à 38 où des débats intenses partageaient la société française au-delà des revendications sociales. Notamment la réplique d'un aristocrate qui répond par un anachronique "vive la droite" à un "vive la nation". Et pourtant, dans le film, Renoir s'efforce de ne pas accabler la famille royale en les présentant comme détachés de la réalité car l'aristocratie la leur cachait. Il fait aussi la part des choses en ce qui concerne les émigrés entre les revanchards et ceux qui regrettent au fond d'avoir émigré.

La grande Histoire ou les grands noms de la Révolution ne sont au mieux que cités et je note quand même le souci de Renoir de ne s'intéresser qu'à la "belle" période de la Révolution dont un des aboutissements en 1792 est la victoire de Valmy par une armée enthousiaste et hétéroclite. On y parle de Robespierre mais surtout pas de Terreur.

Côté casting,

Le sympathique Louis XVI c'est Pierre Renoir qui, quand il n'est pas à table en train de casser une petite croûte, fait la revue de sa garde suisse aux Tuileries qui l'acclame puis, par mégarde, la revue de l'armée révolutionnaire qui l'insulte. Quel sens donner à cette scène fort improbable ?

Marie-Antoinette est interprétée par Lise Delamare.

Le peuple est représenté, entre autres par les inévitables marseillais Edmond Ardisson, Andrex, Allibert, Charles Blavette et, bien sûr, par l'incontournable titi parisien Julien Carette.

Apparait dans l'entourage de Louis XVI, un singulier Louis Jouvet qui semblait bien parti pour avoir un rôle muet. Mais non, il interprète le rôle (historique, cette fois) de Roederer.

Au final, c'est un film qui ne me convainc guère. Il n'est pas mauvais car il se regarde avec quelques petites scènes émouvantes et surtout pour le chant de la Marseillaise qui porte toujours, en tous cas pour moi, sa part d'émotion. Le film est décevant par ce que je pense être un manque d'ambition à ne vouloir entreprendre un récit de la Révolution que par l'anecdote.

Je ne suis pas très surpris quand je lis que le film fit un four en France à sa sortie en 1938.