Comme tout et pour tout à Hollywood, l’horreur et l’épouvante ne semblent pas être des genres intarissables, comme le prouvent de plus en plus les incessants retours en arrière pour déterrer et réactualiser sous diverses formes les classiques de ce genre dans l’histoire du septième art. On ne compte donc plus depuis vingt ans les remakes, reboots, suites tardives ou, la nouvelle mode, les legacy sequels sur ce créneau qui n’est malheureusement pas épargné par le manque d’inspiration patent actuel. Hollywood sait qu’en plus ce type de films coûte peu et rapporte gros, et la formule industrielle récente de Jason Blum avec sa maison de production Blumhouse en attestent. Si « La Malédiction » de 1976 est un film d’horreur satanique culte, il avait déjà eu droit à son remake il y a une vingtaine d’années, l’un des premiers du genre mais qui ne marqua pas les mémoires. Ici, on prend le parti du prequel ou de l’antépisode - comme vous préférez - pour nous conter les origines de Damien, le petit garçon maléfique du film original.


Et cette « La Malédiction, le commencement » de nous emmener dans un couvent de nonnes avec clergé étrange en Italie. Si ce n’est l’époque, on est exactement dans la même configuration que le récent et plutôt sympa et efficace « Immaculée » avec Sydney Sweeney. Ce n’est pas la première fois que le hasard du calendrier nous livre deux films similaires en si peu de temps (qu’on se souvienne de « Fourmiz » et « 1001 pattes » à la fin des années 90 ou encore de « Volcano » et « Le Pic de Dante » à la même période). Ici, à quinze jours d’affilée, c’est troublant surtout que la trame est la même : une jeune sœur qui débarque à Rome pour se faire ordonner, un couvent où il se passe des choses louches, une sœur délurée en amie, le suicide radical d’une autre, la naissance de l’Antéchrist, ... Bref hormis que celui-ci se déroule dans les années 70, apportant une touche rétro, et qu’il convoque vraiment le fantastique, l’épouvante et le surnaturel, alors que le film de Michael Mohan se contente de séquences gores et de culte étrange, les deux sont vraiment similaires. Et il est difficile d’en préférer un, les deux étant corrects, distrayants mais imparfaits et se parant chacun de défauts comme de qualités différentes.


Pour cette origin story que personne n’attendait, on doit louer une direction artistique au-dessus de la moyenne comme son doublon. Mise en avant des fétiches religieux avec intelligence et en adéquation avec la terreur sourde qui se dégage des lieux ainsi que certains plans très malins et qui flattent la rétine (la scène d’introduction très réussie par exemple). On apprécie aussi, encore une fois comme son jumeau récent, que ce long-métrage horrifique et religieux ne se vautre pas dans les effets de sursauts courants (et souvent ridicules) du moment. La peur est plus viscérale ici, malsaine. D’ailleurs, il y a quelques scènes gores (le premier accident de voiture), des visions horrifiques (le final peu ragoûtant) et malaisantes (le second accident de voiture et les convulsions qui s’en suivent) très pertinentes et inattendues qui font leur effet. Elles ne sont pas nombreuses, on n’a pas vraiment peur, mais le peu qu’il y a est vraiment percutant.


Cependant, il faut bien avouer que « La Malédiction, le commencement » est bien trop long. Deux heures pour raconter cette histoire, c’est bien trop. Notamment le début du film, le premier tiers, qui aurait pu être amputé de moitié sans souci. L’inverse de « Immaculée » sur ce point, qui était court et concis sans perdre en efficacité. En revanche, comme lui, tout le versant de la conspiration visant à voir débarquer le fils de Satan n’est pas claire ou alors les scénaristes s’accommodent de trous et de lieux communs mais ne se formalisent guère du manque de liant et de logique de tout cela. Au final, on a donc une œuvre à la mise en scène soignée, percluse de visions terrifiantes et écœurantes mais qui pâtit de longueurs et de déjà-vu. Il s’essaie néanmoins avec brio à ne pas tomber dans les travers des séries B horrifiques d’aujourd’hui sans pour autant être un nouveau fleuron de l’elevated horror (« Midsommar », « It follows », « The Witch », etc).


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JorikVesperhaven
6

Créée

le 17 avr. 2024

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Rémy Fiers

Écrit par

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