Au Guatemala, le génocide des Mayas-Ixils par l'armée a commencé en 1960 pour s'achever en 1996. Il a fait plus de 200 000 morts. Les Mayas étaient considérés, et le sont toujours, comme des sous-hommes. Villages brûlés, déportations, exécutions sommaires, tortures, viols, exactions en tout genre furent pendant plus de 30 ans le lot commun de la population indienne. C'est grâce au film de Jayro Bustamante que j'ai pris connaissance de cette période sombre de l'Histoire du Guatemala.
Avec La Llorona il nous plonge dans un huis clos étouffant, fantasmagorique mais néanmoins poétique et lumineux. L'eau sous toutes ses formes, larmes, piscine, lavabo, fleuve, brume et même urine est omniprésente. Nous apprendrons pourquoi à la fin du film.


Le Général Enrique Monteverde est jugé pour les massacres de masse perpétrés sous ses ordres par l'armée Guatémaltèque. D'abord reconnu coupable il est acquitté tout de suite après sa condamnation. Sous les huées et la colère de la foule il se réfugie en voiture dans sa grande maison avec sa famille, Carmen sa femme, Natalia sa fille, Sara la fille de Natalia et la servante Valeriana une Maya qui d'après toute évidence serait aussi la fille de Monteverde. Le reste des domestiques indiens du général le quitte. Les manifestants campent très vite devant la demeure cossue. La famille embauche Alma une Maya qui se présente d'elle même à la porte de la maison. Alma est d'une rare beauté, la peau mâte, aux longs cheveux noirs de jais, silencieuse, elle se lie néanmoins d'amitié avec la jeune Sara.
Très vite le général est victime de ce qui semble être des hallucinations auditives. La nuit il est réveillé par d'inquiétants pleurs surgis de nulle part. Il est le seul à les entendre. Le film tombe vite dans une ambiance fantastique, étrange et angoissante. Aux hallucinations auditives succèdent les hallucinations visuelles, l'eau envahit les couloirs et là aussi il est le seul à le voir.
En parallèle sa femme fait d'effroyables rêves. Elle est habillée d'une longue tunique blanche semblable à celle d'Alma et court, pieds nus, affolée dans les champs de maïs accompagnés de deux très jeunes enfants Mayas. Dehors la foule est toujours là, debout, immobile, les regards sont noirs, perçants, menaçants. Fantômes ou réalité ? Le film a définitivement basculé dans l'effroi. Alma est semblable aux fantômes qui encerclent la bâtisse, elle ne marche pas, elle semble flotter au-dessus du sol et se déplace, inquiétante dans sa longue robe blanche. L'ambiance est pesante, hallucinée. Je suis complètement dans le film. Carmen continue ses cauchemars jusqu'au final où elle est Alma dont les enfants sont noyés. Le général se présente à elle pour la tuer d'un coup de revolver puisqu'elle ne veut pas révéler où sont les insurgés. Carmen/Alma étrangle alors le Général Monteverde. Elle se réveille, son mari est mort, elle l'a tué de ses propres mains.
Les enfants d'Alma, la Llorana, la pleureuse chamane sont ainsi vengés.


Au travers du génocide des Mayas le film explore cette partie de la culture Amérindienne, déconcertante pour nous occidentaux, des sortilèges, des incantations, du rêve qui est réalité, de la réalité qui est le rêve, du chamanisme et de ses rites, toutes ces choses que nous avons du mal à concevoir dans nos cartésiennes contrées. Ils perçoivent le monde qui nous entoure avec d'autres sens que les nôtres, ils voyagent dans des mondes inconnus, des ailleurs qui nous échappent et dont nous n'avons absolument pas conscience. Et pourtant...

La chanson de fin est très belle, grave, triste et d'une mélancolie poignante.

Daziel
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le 28 janv. 2020

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Daziel

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