"Avouer qu'on s'est trompé, c'est rendre le plus éclatant hommage à la perspicacité de son esprit."

Oui, j'admets, je me la joue un peu avec cette citation de G. Bachelard en titre de critique.
Mais je devais bien ça à ce film.


15 années, il m'aura fallu 15 années pour avoir le courage de revoir La Ligue des gentlemen extraordinaires. Enfin je suppose, en partant du principe que je l'ai vu pour la 1ère fois l'année de sa sortie. Mais ma première critique ne peut pas dater de 2003, alors je l'ai peut-être revu entre temps, je ne sais plus, mystère et boules de gomme.


Après avoir récemment relu la BD d'Alan Moore et Kevin O'Neill, je me suis dit : "Meh, pourquoi pas. On donne bien des secondes chances à des gens qui le méritent moins".


Alors faisons le point sur ce que je disais dans ma 1ère version de ma critique sur ce film.


1/ Le film ne vaut pas la BD.


Certes, la BD a l'avantage d'être le matériau originel avec un scénario original, et un univers plutôt classe. Néanmoins en la relisant j'ai été vraiment frappée par le manque d'originalité de cet univers justement, qui consiste essentiellement, admettons-le, en un gloubi-boulga de culture du XIXème siècle, sorte de méga easter egg avant que ça ne devienne à la mode (Ready Player One, si tu me lis...). C'est une avalanche de références et de clins d’œil plutôt marrante au début (quand on les capte), très vite agaçante, et qu'on finit par soupçonner de tenter de cacher le relatif vide scénaristique.


Le film n'échappe pas au même piège. Qu'elles soient très grossières (référence explicite au Tour du monde en 80 jours) ou un peu plus subtil (l'évasion de Moriarty avec sa cape-deltaplane qui laisse imaginer comment il s'est échappé de son duel avec Holmes en haut des chutes), elles ont au moins le mérite d'être moins nombreuses que dans la BD - beaucoup moins nombreuses.


Pour ce qui est de l'atmosphère, admettons que le film s'en sort plutôt bien. Par exemple, la scène de traque sur les toits du Paris nocturne fin-de-siècle retranscrit bien ce que voulait faire ressentir O'Neill : l'humidité crasse et sentant le crottin (ou bien la première scène dans le Londres façon Jack l’Éventreur). Si quelques effets digitaux sont franchement laids parce qu'ils ont mal vieillis, les effets classiques fonctionnent bien (décors, accessoires...). Le souci du détail dans les costumes est à remarquer.


2/ Les personnages.


Bon là c'est un problème. Parce que la BD est à la fois bien et mal faite de ce côté. Certains aspects des personnages sont bien écrits (la monstruosité de Hyde, le caractère misanthrope de Quaterman...), et en même temps ils sont quand même très fades : Mina n'est quasi pas développée, Griffin est aussi transparents que son corps (à part ricaner, il ne fait pas grand chose, et le 2ème tome aurait gagné à lui faire parler un peu de ses motivations), Jekyll complètement passé à la trappe (alors que ce qui est intéressant dans le duo Jekyll/Hyde, c'est justement qu'ils sont deux...), etc. Je pourrai continuer longtemps, mais parlons plutôt du film.


Comme la BD, le film a du bon comme du mauvais quant aux personnages. J'ai été étonnée de voir ce nouvel aspect chez Quaterman, très classique du père en deuil, mais qui lui donne vraiment de la profondeur (et malheureusement gomme son passé d'héroïnomane... film tout public ?), et rend crédible son rapprochement avec Sawyer. Jekyll/Hyde est un peu traité, ça fait plaisir, et Dorian Gray, même si on le grille tout de suite, a le mérite d'être un méchant convaincant et classe.
Par contre je regrette que la violence de Nemo soit complètement passée à la trappe, que Mina soit plus une vampire sexy un peu neu-neu qu'une scientifique froide (et casse-bonbons comme dans la BD), que M soit si oubliable (même si j'avais bien aimé son air théâtral quand il était déguisé en faux fantôme de l'Opéra moisi)...


3/ L'action.


Là par contre c'est intéressant. Le film reprend en théorie le scénario du premier tome, mais avec des modifications compréhensibles (on éjecte le Mandarin, on simplifie et on ajoute de l'action ; ça se conçoit, le film se veut d'action donc il y a des attentes). Et des modifications débiles. Toute la partie à Venise est débile par exemple parce que l'action est foutraque au milieu d'effets numériques gerbants, en plus d'avoir des enjeux immédiatement annulés (donc tout le passage est inutile).


Par contre d'autres scènes d'action sont franchement prenantes. La première en Afrique est très bien faite, rythmée, drôle, convaincante. De même dans la bibliothèque de Gray. La fin dans l'usine est plus brouillonne, avec un démêlement d'intrigue trop rapide pour le film, comme si les producteurs s'étaient brusquement rendus compte qu'il ne restait plus que 10 min de péloche et qu'il fallait conclure, hop hop hop.


4/ Des efforts, mention "encouragements".


OH MON DIEU on en parle du design du Nautilus ?!


Outre le fait qu'il ne PEUT PAS passer dans les canaux de Venise (les mecs, sérieux, vous y avez réfléchi deux minutes ? quelqu'un est déjà allé à Venise ? quelqu'un a regardé des photos de Venise sur internet ?!), ni même dans la Tamise, il a quand même une gueule de ouf.


Mais en même temps, il est symbolique je trouve des efforts du film. Des efforts vraiment présents, de choix de design pas forcément de bon goût mais couillus. Je récompenserai toujours des enfants qui font des efforts d'originalité maladroits par rapport à ceux qui se contentent de l'ordinaire même s'il est superbe. Ce film au moins doit être félicité pour ses tentatives réelles de se démarquer des autres films et de la BD dont il est issu. C'est pas rien. Même au niveau de la réalisation il y a quelques idées que j'ai trouvé intéressantes : le disque avec le plan du méchant, certaines façons de filmer l'action dans un léger accéléré ou avec des micros coupures... Bref des tentatives quoi ! c'est bien, brave film !


Par contre, le design (osé) du méga monstre à la fin a vraiment trop mal vieilli.


Donc si je fais le bilan, après avoir relu la BD, après avoir revu le film, je me dis que j'ai été dure avec l'adaptation. La Ligue des gentlemen extraordinaire est loin d'être le film d'action du siècle (des longueurs, des facilités...), les personnages sont loin d'être parfaits, le scénario aurait pu être plus travaillé. Mais par rapport à la BD, eh ben, c'est pas si mal. Le film a le mérite de ne pas être prétentieux, de faire plutôt honorablement son job de divertissement, et en plus fait des efforts d'originalité.


C'est pourquoi j'ai rajouté 3 points à ma note et intégralement revu ma critique. Je ne sais pas, peut-être que je deviens plus indulgente avec les années (le grand âge...), ou bien que j'accorde plus d'importance aux efforts d'originalité dans un monde où même l'extraordinaire au cinéma devient formaté. En tout cas, je suis contente de ne pas me figer dans un avis immuable. Comme on dit, "Il n'y a que les imbéciles..."


Mais bon, plus que 4/10, ça aurait quand même été trop. Faut pas abuser non plus.

Kogepan
4
Écrit par

Créée

le 10 janv. 2011

Modifiée

le 1 juin 2014

Critique lue 1.3K fois

16 j'aime

3 commentaires

Kogepan

Écrit par

Critique lue 1.3K fois

16
3

D'autres avis sur La Ligue des gentlemen extraordinaires

La Ligue des gentlemen extraordinaires
Ugly
4

La connerie de Sean

Cette association hétéroclite de 7 héros littéraires de la fin du XIXème siècle, sorte de 7 mercenaires ou super-héros de l'ère victorienne, constituait un intérêt potentiel énorme. Le sujet et les...

Par

le 28 déc. 2016

24 j'aime

27

La Ligue des gentlemen extraordinaires
Quentin_Tournon
10

Pourquoi personne ne l'aime ?

Avant toute chose deux éléments importants sont à préciser. Premièrement je n’ai jamais touché à la bande-dessiné d’Allan Moore et Kevin O’Neill dont est tiré le film, en particulier parce je ne suis...

le 21 févr. 2016

23 j'aime

7

La Ligue des gentlemen extraordinaires
Kogepan
4

"Avouer qu'on s'est trompé, c'est rendre le plus éclatant hommage à la perspicacité de son esprit."

Oui, j'admets, je me la joue un peu avec cette citation de G. Bachelard en titre de critique. Mais je devais bien ça à ce film. 15 années, il m'aura fallu 15 années pour avoir le courage de revoir La...

le 10 janv. 2011

16 j'aime

3

Du même critique

It Follows
Kogepan
8

Miii ._. (ou : les aventures d'une souris devant un film d'horreur)

Je ne regarde pas beaucoup de films d'horreur. J'ai les bases, j'aime bien occasionnellement me poser devant un bon gros film terrifiant avec une bière, un coussin (très important, le coussin) et mon...

le 11 févr. 2015

134 j'aime

9

Pacific Rim
Kogepan
8

AGBLABLBELBALBLA !

C'est à peu près le bruit que j'ai fait à certains moments du film, quand ma mâchoire inférieure se mettait en mode veille que j'avais besoin d'un mouchoir pour essuyer ma bave. Parce que wé,...

le 22 juil. 2013

116 j'aime

26

Je suis une légende
Kogepan
4

Je suis une mauvaise adaptation.

Attention, vous entrez dans une zone de spoil. Lisez le livre et/ou regardez le film avant d'aller plus loin. Je vous ai prévenu. Le film en lui-même n'est pas mauvais : une belle photo, des moments...

le 22 juin 2013

98 j'aime

34