1935.Paul Edgecomb est surveillant en chef du quartier des condamnés à mort dans un pénitencier.Un boulot très spécial puisque lui et ses collègues procèdent régulièrement aux exécutions par électrocution lorsque la date fatidique survient pour un de leurs prisonniers.Quand John Coffey,un colosse noir accusé du meurtre et du viol de deux petites filles,arrive dans son service,sa vie va s'en trouver bouleversée à jamais.Dans les années 80-90,Stephen King était au faîte de sa gloire et la moindre ligne qu'il avait pu écrire finissait automatiquement sur les écrans hollywoodiens."La ligne verte" fait partie d'une production marginale du romancier en ce sens qu'il ne s'agit pas d'une de ses fameuses histoires horrifiques,même si elle contient son lot d'atrocités et une bonne dose de fantastique.C'est le réalisateur et scénariste Frank Darabont qui en signe l'adaptation,comme il l'avait fait cinq ans plus tôt avec "Les évadés",autre roman de King et autre film de prison.S'appuyant sur une image très travaillée faisant la part belle aux clairs-obscurs et sur une grande variété de plans favorisant plongées,contre-plongées et plans serrés,le cinéaste réussit un joli numéro d'équilibriste en mélangeant réalisme et surnaturel,violence et douceur,poésie et trivialité,et créant une atmosphère unique,oppressante et empreinte de spiritualité.Certains considèrent ce film comme un brûlot anti peine de mort,ce qu'il n'est pas du tout.Certes,les exécutions sont montrées en détail et ça secoue,c'est le cas de le dire,mais personne n'a jamais prétendu que cette activité soit une partie de plaisir,et les types qui y sont soumis ont fait ce qu'il fallait pour être là.Ce que cette histoire interroge est plutôt la part d'humanité que chacun recèle et la manière dont elle peut être mise à l'épreuve.Paul et ses copains ne plaignent pas les condamnés,ce sont des hommes à l'ancienne pour qui le châtiment des péchés les plus graves est nécessaire.Mais ça ne les empêche pas de leur témoigner du respect et de la compassion,car ils estiment que leur juste punition se suffit à elle-même.Ils font un sale boulot,mais ils le font proprement,contrairement au "Voleur" de Darien.Seulement l'irruption de Coffey dans leur univers parfaitement ritualisé va ébranler toutes leurs certitudes,leur foi en la Justice,leur foi en Dieu,leurs croyances matérialistes.Le nouveau prisonnier est un ange victime d'une erreur du système et pourvu d'un don de guérisseur qui est paradoxalement à l'origine de ses problèmes.Ces gardiens durs et pragmatiques vont assister à des scènes surnaturelles,voir des choses qu'ils n'auraient jamais cru pouvoir contempler et se livrer à des actes totalement contraires à leurs engagements moraux et professionnels.Personne ne sortira indemne de cette aventure mais tout le monde en sortira un peu meilleur,ce qui est déjà pas mal.Darabont parvient en outre à articuler à cet axe principal des tas de micro histoires qui enrichissent considérablement la narration.La découverte progressive des évènements ayant amené Coffey dans le couloir de la mort introduit une dimension de thriller,les intrigues autour d'une incroyable souris ajoutent une dose d'humour,les contacts avec les différents condamnés assurent l'aspect émotionnel et les miracles effectués par John offrent du spectaculaire à gogo.Le film est au final un des sommets d'une période cinématographique pas vraiment convaincante et son impeccable distribution y contribue largement.Tom Hanks,seule star du projet,apporte une sobriété crispée idéale pour incarner le héros,et il est assisté d'une formidable troupe de comédiens de complément de qualité.L'immense Michael Clarke Duncan est une magnifique révélation en simplet empathique,et la bande de gardiens est solidement interprétée par David Morse,Barry Pepper,Jeffrey DeMunn et le salaud de service Doug Hutchison qui est un boulet pour ses collègues.Aussi lâche que sadique,il se révèle pire que les assassins qu'il doit surveiller et l'acteur a une saisissante tronche de psychopathe.Du côté des candidats à la chaise électrique,on a des détenus assez calmes campés par Michael Jeter ou Graham Greene,et l'effroyable dingo joué par un Sam Rockwell déchaîné qui signe une prestation majeure dans la peau de ce personnage crucial.Et il y a aussi James Cromwell,Bonnie Hunt,Patricia Clarkson,Harry Dean Stanton,Gary Sinise et William Sadler,excusez du peu.