La Légende de la montagne suit le périple du jeune Ho, érudit voyageant jusqu'à un ancien fort militaire pour traduire des sutras Boudhistes ancestraux. Arrivé à destination, il trouve le lieu désert et se voit accueilli par des personnages étranges dont certains pourraient bien être des créatures surnaturelles.


Le film est à ranger dans le genre du Wu Xia Pian, littéralement "film de héros martial" (et non "film de sabres", comme on le résume souvent) qui, contrairement à ce que peut s’imaginer une partie du public, ne dépeint pas une Chine historique. Au contraire, les œuvres du genre se déroulent dans une réalité parallèle à la notre, celle du Jiang Hu, univers né dans la littérature de chevalerie où se confrontent chevaliers errants en quête de rédemption, héros en marge de la société, démons en tous genres et où le moindre saut vous projette à 10 mètres du sol. Bref, regarder un Wu Xia Pian, c’est pénétrer dans un monde imaginaire régi par ses propres règles, dont l’équivalent en Occident serait davantage le conte de fées que le roman de cape et épée.


Et La Légende de la montagne en est une parfaite illustration. En recourant à des effets spéciaux qu’il utilisait déjà dans les années 60 et 70 (fumigènes de couleurs ou subtils jeux de lumière), King Hu use de tous ses trucs et astuces pour véritablement capturer la "magie" sur pellicule. Et ça marche, puisque l’on croit dur comme fer aux fantômes, démons et autre guerrier taoiste rencontrés par notre jeune lettré de héros, tout au long de son périple. Ces personnages vous feront sans doute penser à ceux croisés dans le grandiose Histoire de fantômes chinois produit par Tsui Hark, et c'est bien normal, tant la filmographie de King Hu a inspiré celle du réalisateur de Zu, les guerriers de la montagne magique et Green Snake. Et si on surnomme Tsui Hark le Spielberg chinois (même s’il est né au Vietnam), King Hu peut être qualifié de Kubrick chinois parce qu’il était un esthète et un cinéaste aussi méticulleux que le réalisateur de 2001 : L’Odyssée de l'espace. Sur La Légende de la montagne, il ne déroge pas à la règle puisque chaque plan est un tableau d’une beauté saisissante, chaque occupation de l’espace est parfaitement chorégraphiée comme dans un ballet au point de donner une dimension magique au moindre déplacement de ces personnages. Bref, un enchantement pour les sens, à condition de se laisser bercer par une première moitié du film (la version intégrale dure 3 heures) exclusivement dédiée à l’exposition des enjeux et des personnages, ainsi qu’à la contemplation des sublimes décors naturelles (à savoir les montagnes sud-coréennes).


Pour la petite histoire, King Hu a tourné La Légende de la montagne en même temps et au même endroit que Raining In The Mountain, avec le même casting mais dans des rôles totalement différents. Comme quoi ce genre de techniques n’est pas réservée qu’aux tâcherons de la Cannon et peut aboutir à de véritables réussites. 40 ans après sa sortie, La Légende de la montagne demeure un grand film, un beau film et surtout l’un des rares où le cinéaste a osé aborder le fantastique de manière aussi frontale. En résumé, une œuvre qui touche au sublime !

MajorTom
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le 12 nov. 2020

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