La Jetée
8.1
La Jetée

Court-métrage de Chris Marker (1962)

"Naître une seconde fois adulte"

Un film culte, typique d'une certaine forme d'expérimentation des années 60, qui s'est refait une jeunesse dans les années 90 avec le remake de Terry Gilliam L'armée des douze singes.
Expérimental ? Le film est une succession de photos (un roman-photo pour le cinéma) en noir et blanc, avec des commentaires en voix off, une musique et des bruitages. Le tout raconte une histoire : dans un futur en ruines, sous Paris entièrement détruite par la Troisième Guerre Mondiale, vit toute une population de survivants qui ne peuvent aller à la surface à cause des radiations. La seule possibilité de survie est le voyage dans le temps : envoyer quelqu'un qui demanderait de l'aide dans le passé ou le futur.

Film d'anticipation, évidemment. Mais l'oeuvre, dans son ensemble, dégage une émotion extraordinaire. D'abord, par son attachement à la paix. Rarement film aura aussi bien rappelé la fragilité de la paix.
Il faut dire que ce début des années 60 est loin d'être calme. On atteint ici un des sommets de la Guerre Froide : Castro à Cuba, la Corée divisée en deux, la construction du mur de Berlin et surtout la menace atomique, constante, omniprésente. Le monde semble sur le point de basculer à chaque instant. Et c'est cette peur qui est tangible dans le film.
Mais il ne faut pas limiter ce film à ce seul aspect "géopolitique". La Jetée est également une oeuvre particulièrement sensuelle. Le personnage (dont on ne connaîtra jamais le nom) avait gardé de son enfance l'image d'une superbe jeune femme. En revenant dans le passé, il la rencontre à nouveau. Ses voyages dans le temps vont donc se transformer en promenades et dialogues. Les photos seront alors d'une grande beauté, sublimant l'actrice Hélène Chatelain grâce à un splendide travail sur la lumière.
Le film arbore alors aussi un autre aspect, une réflexion aiguë sur les souvenirs et leur rôle dans la construction d'un individu.

Le film navigue donc entre plusieurs émotions, de l'inquiétant au sensuel, le tout avec intelligence. La bande son si particulière (parfois faite de murmures difficilement compréhensibles) contribue à l'ambiance angoissante. Le tout en moins d'une demi-heure. Bravo, Chris Marker !
SanFelice
8
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le 5 sept. 2012

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SanFelice

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