Tiens allez, je vais profiter de cette déconvenue générale qui anime actuellement mes quelques éclaireurs (à mon sens) chanceux qui, tout juste sortis de l'affront World War Z, ont déjà eu accès au très (pour ma part) attendu Pacific Rim, y voyant (entre autre) un film de recyclage des multiples ficelles et câbles en titane du spectacle de catastrophe on ne peut plus conventionnel, incohérent et surtout, SURTOUT, absolument pas novateur (et le pire, c'est que je sens qu'ils ont raison), pour parler d'un autre film mi-catastrophe, mi-attaque d'aliens que je porte en haute estime.


J'ai jamais vraiment osé parler de cette Guerre des Mondes, un acte qui me demandait d'assumer un attrait particulier pour quelque chose qui à en croire sa honteuse moyenne ici, semble être une monumentale daube digne d'un Independence Day sans humour et sans Bill Pullman.
Mais en fait je m'aperçois qu'il subsiste un tas de personnes qui se permettent secrètement d'apprécier cet ovni dans une filmographie de Spielberg fortement déclinante.


Alors oui, j'aime ce film, et pas qu'un peu. Après l'intro, savoureusement contée par l’inénarrable voix de Morgan Freeman, nous empoignant les tripes pour nous propulser dans un hommage extrêmement plaisant aux films de série B des années 50, on est directement plaqué au sol sous une atmosphère lourde, pesante et suffocante.
La vie pourrie et quotidienne de Ray se passe bien, ça se marre et s'insulte grassement dans la bonne humeur, l'ensemble résonnant comme un clapotis malhonnête sur une marrée de chienlit visqueuse présageant l'effroyable encore ronronnant avant un réveil brutal insidieusement soupçonné. Ses gosses débarquent, et on fait la connaissance d'une future méchante vampire et d'un futur Super Saiyen qui ici, biens dans leurs rôles permettent surtout de dépeindre le personnage de leur père, complètement raté, désoeuvré et lassé de tout, et le moins que j'ai à dire ici, c'est que cet enfoiré joue bien. M'emmerdez pas encore une fois avec le fait qu'il fasse du Tom Cruise, le gars dépeint la rage contenue face à toute cette merde qui l'enlise avec un certain brio. Ouais. Jusqu'à ce qu'une merde bien pire encore vienne lui offrir l'occasion unique de s'extirper de l'immonde bourbier de son quotidien mortifère.


Des tripodes géants émergent du sol. Aliens. Ils tuent en masse. La panique, la folie. Des troupeaux d'humains courant en tous sens, hurlant d'effroi devant leurs congénères vaporisés ou liquéfiés, vidés de leur sang. Ville ravagée. Trafic dévasté. Grappes humanoïdes fuyant une menace montée sur trois pattes braillant sa présence dans une mélancolie brumeuse et terriblement glaçante. Survivants en lambeaux, ensanglantés, corps de nuit et gueules de suie aux yeux livides, errant par flots perdus sans but aucun, s'entre-déchirant pour une arme dérisoire ou quelques roues motrices, bien loin de toute raison. Charniers géants de corps flottants à la dérive sous les yeux terrifiés d'une fillette pétrifiée... Spielberg a pété un câble.


En quelques secondes, le film montre avec une certaine efficacité que ce monde connu, confortable réceptacle pour notre douillet postérieur, pourrait soudainement basculer d'un claquement de doigts devant une puissance impensablement supérieure et destructrice. NON ! Je me fous qu'il s'agisse là d'un film post-2001 stigmatisant une psychose de masse par l'image de cette incontrôlable attaque. Je suis devant une transposition d'un roman que j'affectionne tout particulièrement dans une époque contemporaine. Une transposition livrant un film de catastrophe unique en son genre, loin de toute présence supérieur, suivant les déambulations perdues d'un père et de ses gosses dans un désert de scories, de ruines, de déchets organiques et autres déjections en putréfaction. La fuite effrénée et haletante de trois humains dans une masse énormes d'autres humains, tous replacés au même niveau de viande à l'étalage et de chair savoureuse riche en protéines et vitamines, dans une abolition totale de toute instigation salvatrice portant le nom de président ou autre général koik'cesoit capable de piloter des supers avions ou des mega vaisseaux pour buter les méchants.


L'ensemble est mis en scène avec le talent qu'on ne présente plus même s'il s'avère désormais assez loin de ce qu'il fut naguère, sans une époque de moindres moyens techniques, laissant ici place à une véritable succession de tableaux pour le moins sublimes, le duo Spielberg-Kaminski élaborant une panoplie picturale aux reflets pourpres crachant sur l'écran la sublime laideur d'un monde décrépissant d'une florissante moisissure, bourgeons chaleureux aux teintes charmantes naissant de l'horreur et de la mort.


Pas d'institution, pas de président pilote de F-18 ou ancien commando cyborg surentraîné. Une armée anecdotique impuissante, figée devant un monde en naufrage. Toute hiérarchie est effacée devant l'horreur dans laquelle père et fille barbotent en tentant vainement de trouver un appui sûr. Le tout allant vers ce final célèbre et Ô combien subtil imaginé par Wells, qui s'avère encore aujourd'hui et à jamais, la meilleure conclusion salvatrice d'un scénario catastrophe-alien. Et le film la retranscrit bien, avec ses libertés certes mais illustrant de belle façon, sous le son de ces lamentations dépérissantes, cette inexorable fin, aussi délivrante que terriblement désoeuvrante, vers ce faux happy end, la caméra repartant doucement dans les airs, vers un plan plus large d'une civilisation soudainement effacée.

zombiraptor

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