Avant d’obtenir le succès et la reconnaissance, le britannique Carol Reed a réalisé quelques films qui lui ont permis d’acquérir de l’expérience dans son métier de cinéaste. La Grande escalade date de 1938 et appartient donc à cette période un peu méconnue de sa carrière.


La séduisante Diana (Jessie Matthews, une habituée des comédies musicales) vit en colocation dans un vaste appartement qui sert d’atelier, avec son amie Winnie (Edith Stamp-Taylor) et Max (Alastair Sim). Tous trois se considèrent comme des artistes : l’une comme danseuse, l’autre comme sculptrice, Max posant pour cette dernière tout en affichant ses théories communistes. Aucun des trois n’ayant de revenu suffisant pour payer le loyer, les deux jeunes femmes s’arrangent pour inciter Max à chercher un emploi. Du coup il met le pied dans une agence où, puisqu’il affirme poser régulièrement, il va faire le mannequin.

Mais Max tombe sur une équipe dirigée par un despote survolté. Heureusement, il réussit à téléphoner à Diana pour l’appeler à la rescousse. Alors qu’elle s’attend à trouver un coupe-gorge, elle finit par se faire engager à son tour. Ceci dit, devant l’entrée elle manque de se faire renverser par un véhicule conduit par Nicky (Michael Redgrave), playboy qui tombe sous son charme. Pour la séduire, celui-ci se fait engager dans la même agence, mais sous un faux nom (pour lui parler d’égal à égal), sans imaginer les conséquences de ce choix.


On connaît bien l’argument de la confrontation entre deux protagonistes que tout oppose. L’intérêt réside dans les péripéties qui finissent par les rapprocher. Ici on comprend rapidement que Nicky est un dandy fortuné (et désœuvré) qui fait face à une situation qui l’agace sérieusement. Ayant fait la connaissance de Lady Constance (Margaret Vyner) dans un bal, il vient d’apprendre leurs fiançailles par la presse. Fausse information issue d’un coup monté par la famille qui en veut à son argent. Lady Constance et sa mère ne reculent devant rien pour parvenir au mariage qui mettrait fin à leurs ennuis financiers.


Outre de multiples gags dus à la confrontation de toutes ces personnalités fantaisistes, le film comporte de nombreuses scènes de comédie qui soutiennent largement la comparaison avec la screwball comedy américaine par la rapidité des dialogues. On note également pas mal de scènes typiquement burlesques. Voir par exemple la scène où Diana se fait littéralement kidnapper par les employés de l’agence où elle arrive suite à l’appel au secours de Max. Difficile également de ne pas penser à Michel Simon (en un peu moins moche, mais tout aussi grimaçant), quand on voit les attitudes de Max qui se complait à jouer de son aspect hirsute. En effet, son crâne bien dégarni sur le dessus contraste comiquement avec les mèches façon clown qui lui garnissent les côtés. On apprécie également les enchainements de circonstances qui font de Climbing high (titre original assez fidèlement traduit par La grande escalade), une comédie très rythmée qui a le bon goût de se contenter d’un minutage modeste (1h18). Par contre, le titre ne correspond qu’à la partie finale, somme toute assez brève, située dans les Alpes suisses. On y trouve quelques scènes bien ficelées (comprendront ceux qui verront le film) et un moment tout bonnement hilarant juste avant la fin, quand Jessie manifeste son enthousiasme suite à son sauvetage in extremis par Nicky. On notera au passage que l’intervention du fou échappé de l’asile à cet endroit ôte toute crédibilité à la situation, malgré l’amusement qu’elle procure. Ce fou avait d’ailleurs apporté une première situation originale mais pas plus crédible, dans une scène à la campagne où Nicky et Jessie venaient s’isoler pour un moment de tranquillité. Ce fou est un chanteur lyrique qui réussit alors (en la menaçant) à faire chanter Jessie avec lui. Et soudain, c’est comme si elle connaissait ces œuvres par cœur !


A noter la séquence complètement folle et qui n’en finit pas (grâce à un gag exploité à son maximum, avec de multiples développements… jusqu’à l’exagération), dans l’atelier d’habillage de la maison où Max et Jessie se font engager. Mais c’est sans doute le sommet de ce film qui grimpe assez haut comme le suggère le titre, sans temps morts, mais avec une ambiance qui sent quand même son époque. Voir par exemple les scènes avec des personnages filmés en voiture, un paysage défilant en arrière-plan pour donner l’illusion du mouvement. Autre élément un peu bancal, le film commence au Canada où vit le frère de Diana qui s’apprête à prendre des vacances pour venir la voir, alors qu’il n’apparaît ensuite que pour la partie alpestre. Ceci dit, pour un film entièrement tournée en studio, il s’en tire plutôt bien, y compris dans sa partie alpestre.

Electron
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le 29 mars 2023

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