Ces merveilleux fous roulant dans leurs drôles de machines

Mon titre de critique fait référence à Ces merveilleux fous volants dans leurs drôles de machines, sauf que là, il n'est plus question d'avions mais d'autos aux temps héroïques des pionniers, mais les 2 films sont très similaires dans leur fonctionnement, leur contexte et leurs ressorts comiques.
Cette joyeuse comédie burlesque et d'aventure est un hommage nostalgique avoué aux comédies burlesques du cinéma muet, en se référant tout à la fois à l'univers de Mack Sennett et des "Keystone Cops", et à celui du cartoon. Avec le budget et les ressources du grand spectacle, Blake Edwards retrouve les recettes de ces comédies échevelées et du slapstick, en assénant des gags tous plus fous les uns que les autres. Mais le film reste surtout célèbre pour sa gigantesque bataille de tartes à la crème qui a lieu dans les cuisines du palais de Carpania, séquence dédiée à Laurel & Hardy et hommage direct à la Bataille du siècle, un des meilleurs courts-métrages du duo comique, réalisé en 1927 qui voyait en effet la plus énorme bataille de rue de tartes à la crème qui devait éclipser toutes les autres.
Celle de la Grande course autour du monde est totalement délirante et digne de son modèle, rythmée par une polka enjouée de Henry Mancini, elle coûta 100 000 dollars, exigea 5 jours de tournage et utilisa 2357 tartes. Je plains les femmes de ménage qui ont dû ensuite nettoyer le studio...
Edwards n'en reste pas là, car dans sa seconde partie, il rend un hommage également probant à un autre chef-d'oeuvre, le Prisonnier de Zenda où le fourbe baron Von Stuppe (incarné excellemment par Ross Martin, le Artemus Gordon de la série les Mystères de l'Ouest) est une sorte de clone du perfide Rupert de Hentzau joué par James Mason ; son duel à l'épée avec Tony Curtis rappelle aussi le duel légendaire de Zenda. Comme on le voit, non content d'empiler les gags, les clins d'oeil et les situations burlesques, Edwards imprime une constante bonne humeur, on lui pardonne donc quelques longueurs et une construction dramatique un peu relâchée pour laisser libre cours à ses acteurs qui semblent s'amuser comme des fous.
C'est le cas de Tony Curtis tout de blanc vêtu, dans le rôle du beau héros immaculé, de Natalie Wood en héroïne très volontaire, et surtout de Jack Lemmon (qui retrouvait son compère Curtis après Certains l'aiment chaud) qui s'en donne à coeur joie dans un double rôle, mais qui campe surtout un pilote mauvais perdant et fourbe prêt à jouer les tours les plus tordus au Grand Leslie incarné par Curtis. Avec son co-pilote joué par un jeune Peter Falk, on dirait une sorte de Satanas & Diabolo comme dans le célèbre cartoon Hanna & Barbera, tout de noir vêtus et toujours à l'affût pour tricher dans cette course qui va de New York à Paris au début du 20ème siècle. Dans le reste du casting (outre ceux cités), on reconnait Keenan Wynn, Arthur O'Connell, Larry Storch et George MacReady.
Le contexte d'époque de 1907-1908 est très soigné, et parmi les voitures des concurrents, on retient celle du Grand Leslie, toute blanche comme son pilote, une authentique Thomas Flyer 35, voiture américaine qui remporta la vraie course New York-Paris en 1907, car cette course a vraiment eu lieu, les véhicules ont parcouru 20 000 km (y compris pour les transports par mer entre Etats-Unis et Japon). Je recommande vivement cette folle aventure à la démesure inventive, bien soutenue par la musique de Henry Mancini.

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le 22 janv. 2019

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Ugly

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