Troisième épisode de ma rétrospective Bruce Lee, gros carton au box office chinois de l’époque, pied dans le nez du petit dragon à ses détracteurs, resté dans les annales grâce à son mythique face à face final : La Fureur du dragon ou The Way of the Dragon, ou Return of the Dragon ou 猛龍過江 si vous préférez.

Sauf si comme moi vous vous tapez l’édition René Château, vous préférerez dans ce cas là vous jeter par la fenêtre.

Dès le générique pourtant —encore une fois, je suis transcendé par ce thème et ces images et ces idéogrammes qui me ramènent en enfance, j’en ai des frissons qui me picotent l’échine, je suis excité, je suis un gamin.

(Oui je suis aussi un incorrigible procrastinateur ayant surtout une tendance à la régression mais je t’emmerde.)

Et d’ailleurs quand tu es un gamin tu trouves ça rigolo le gag du ventre qui gargouille et du chinois qui a la chiasse.

Et puis on grandit, et on sait qu’on a affaire à un montage torché d’un film tronqué rendu incompréhensible par une version française caricaturale et dilettante, pour ne pas dire insultante et dégradante. Sans parler qu’à la base ça volait quand même pas bien haut.

Ben oui parce que t’as beau être content de retrouver le petit minois de Nora Miao, quand tu l’entend parler comme si elle avait avalé un rouleau de printemps de travers à Bruce (qui s’appelle Bruce Lee dans la V.F, c’est commode) au sujet d’extorsion et de menaces de mort, puis de tourisme, puis d’un rendez vous avec un banquier pendant lequel notre chinois favori s’est mal comporté mais qu’on a pas vu pour après enchainer avec un cours de mœurs occidentales avant de se vexer puis que Bruce suit une pute dans un motel tu te dis bordel de merde c’est quoi ce casse tête chinois ?

C’est pas grave, j'aurais juste dû me mettre à l’abri de mes surprises.

Là on se retrouve dans le resto de l’oncle imaginaire de Bruce (version française, vous me suivez ?) avec des karatekas chinois qui viennent de se mettre aux arts martiaux mais qui ont déjà leur ceinture noire ( ! ), je me marre à cette idée quand soudain le personnage de Han Kun se met à parler de plus en plus et j’ai un sérieux doute en entendant son accent et ses phrases systématiquement entrecoupées ou ponctuées de « hihihihi » quant savoir si oui ou non Michel Leeb fait parti du doublage. Je suis encore surpris de ne pas avoir entendu de répliques du type « Nihihi ne n’voudrais n’un n'bol de riz nihihihi ».

Putain mais comment est-ce qu'on peut comme ça se faire violer ses propres souvenirs d’enfance ?

Mais bon à ce moment là je reconnais le décor de la ruelle derrière le restaurant et je sais que je vais avoir droit à ces rixes gravées dans mes synapses depuis mes 5 ans.
Je vous passe l’arrivée de Paul Wei-Ping Ao, toujours faux jeton de service, qui joue ici Michel Serrault dans la cage aux folles. Je vous passe le moment ou Bruce fait caca, et je m’arrête aux faux clients amateurs de côtelettes chinoises parce que là ça commence un peu à avoiner.

D’abord une tatane: TCHAAA ! Puis cette réplique: « Quatrième kata, le petit dragon approche sa proie… (coup de pied retourné dans la tronche TCHAAAA !) ZOOM SUR LE VISAGE DE BRUCE… Et avec sa queue il FRAPPE ! »

Vous avez idée du nombre de fois où cette scène m’a valu d’être puni dans la cours de récré, hein ?

Coups de pieds-balayettes-manchettes s’en suivent, je suis content car je retombe de nouveau en enfance.

Ce qui arrive après on s’en fout parce que de toute façon c’est du chinois et que quand on massacre une histoire déjà toute pourrie forcément il n’en résulte rien de spectaculaire*, mais bon grosso merdo Wei-Ping Ao cabotine, le grand méchant neurasthénise, et le reste oscille entre spaghettis et vermicelles, c’est super et on se demande pourquoi tout le monde fait tout un plat au sujet d’un restaurant.

(*Ellipse)

C’est la deuxième scène de baston dans la ruelle qui vous ouvrira l’appétit. Là Bruce tombe la chemise et dévore tout cru tout un tas de mecs mal fringués. C’est du grand, c’est du beau, c’est du grand Bruce: nunchak’, double nunchak’, coups de pieds au ralenti qui fait un carton; là Bruce met vraiment des bâtons dans les joues des vilains, c’est du pur régal ça avoine, ça tatane, ça terrasse au balcon bordel de nouille !

(*Ellipse)

Et puis Chuck Norris débarque, il a pas 72 ans, il a pas de barbe et il a des vrais cheveux (ellipse) il salue Bob Wall qui se fera plus tard encore casser les couilles (littéralement) par Bruce, un peu comme dans Enter the Dragon, Wall se retrouvera face à un mur (mouohoho).

(*Ellipse)

Bruce et Chuck s’apprêtent à se battre dans le Colisée en carton devant les yeux ébahis d’un chaton 40 ans avant le premier lolcat et on se demande comment l’un des duels d’arts martiaux les plus connus du cinéma pourrait bien tenir en moins de 10 minutes, conclusion du film comprise.

Mais ce combat est grand. Ce combat courbe l’espace et le temps, se joue de l’adversaire et du cameraman. Ce combat est au poil, et c’est pas Chuck qui vous contredira. Ça claque, ça percute, ça cogne, ça envoie, ça avoine, et à tel point que ça choque Norris (mouohoho). Bruce n’est plus humain, Bruce devient une force de frappe insaisissable, comme une bulle d’eau qui fouette par vagues et qui danse dans les airs. Bruce me rend mon enfance à ce moment là.

Magnifique, légendaire, ce combat. En plus respect pour l’adversaire tout ça, tout ça.

Puis vient la conclusion —un enterrement— venu illustrer mon expérience du film et de son revisionnage, alors que deux chinois en Italie se recueillent sur ce qui restait de bon sens dans mon souvenir de cette péloche.

On nem ou on nem pas.
real_folk_blues

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