Gros comme une maison

Cette critique contient des spoilers majeurs

Avant de parler du film en lui-même, je décrirais le type de spectateur que je suis : bon client, voire même parfois un peu naïf en ce qui concerne les twists. Très honnêtement, quand c'est bien fait, il est rare que je grille le pot aux roses avant la révélation finale. J'adore d'ailleurs ce genre, et le fait que Brad Anderson soit aux commandes de ce Fractured était un excellent signe, vu qu'un de ses précédents films, The Machinist, reste pour moi une référence dans le domaine des films à twists avec une ambiance lourde et borderline parano.

La clé de la réussite, c'est que le spectateur se fasse duper au moins temporairement pour que le twist ait l'impact nécessaire. Et c'est là tout le problème : dès les dix premières minutes (et je n'exagère pas...), on a compris que le personnage principal est en pleine crise hallucinatoire et qu'il réécrit sa propre histoire pour masquer un traumatisme et sa culpabilité. Il y a beaucoup d'indices bien trop évidents qui le font comprendre, surtout quand on est habitués à ce genre de scénarios : lui qui répète inlassablement qu'il est un bon père et qu'il ferait tout pour sa famille, des allusions appuyées et répétées sur la sécurité au volant et aux accidents de la route, des objets particulièrement éloquents qui se trouvent dans des lieux où ils n'ont rien à faire (je pense au ballon "get well soon" sur le chantier), et, le pire de tous, une voix off sortie de nulle part qui fait clairement comprendre que Ray, le héros, a perdu deux femmes...

Evidemment, on ne connaît pas les détails et les subtilités, et il s'avérera plus tard qu'il y en a une petite, mais le mal est fait : on sait que le personnage de Sam Worthington est victime d'un délire paranoïaque, et à partir de là, on ne croit plus au reste : ni au fait que sa femme et sa fille aient été enlevées dans cet hôpital, ni que ledit hôpital se livre à un trafic d'organes, ni que tout le personnel et la police se soient ligués contre ce pauvre Ray... Bref, rien de ce que le film tente de développer.

Tout ce qui reste, c'est la descente aux enfers d'un type qui est certes attristante et un peu pathétique, mais qui manque cruellement de subtilité dans son mystère. J'ai eu régulièrement envie de demander à Sam Worthington d'arrêter d'en jeter et de se démener, parce que la coupe était pleine et que de toute façon, je n'y croyais plus depuis longtemps. Je ne suis pas plus sévère sur la note parce que ce type de films s'est multiplié depuis la fin des années 90 et qu'il est évidemment compliqué d'innover et de surprendre. On ne voit pas un Shutter Island tous les jours. Mais il y a sans nul doute la place de faire mieux.

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