La Fougère dorée est un conte tchécoslovaque envoûtant, un peu hors du temps, dont la composante fantastique est entièrement contenue dans le petit bout de végétal d'où le film tire son nom. Un soir de pleine lune, le berger Jura (interprété par le charismatique Vit Olmer) errait dans les sous-bois près de chez lui et tomba sur une fougère d'or : au terme d'une séquence angoissante remplie de bruits et de cris inquiétants, dans une forêt menaçante peuplée d'oiseaux vindicatifs, il parvient finalement à rentrer chez lui avec ce qui semble être un objet précieux. Ce passage et le suivant, dans lequel une belle créature sylvestre surgit sur le pas de sa porte pour récupérer la fougère, immergent d'entrée de jeu dans un univers chatoyant et magnifiquement photographié.


Dès la partie suivante, où Jura sera contraint de rejoindre les rangs de l'armée, le contexte se précise un petit peu : dans l'introduction du conflit avec les Turcs, on imagine que le récit se situe au cours des guerres austro-turques autour de la Méditerranée, opposant l'Empire ottoman et le Saint-Empire romain germanique, sans doute autour du 16ème ou 17ème siècle. C'est grâce à la chemise confectionnée par la créature blonde des bois avant qu'il ne parte, contenant la fougère magique dans une doublure, qu'il défiera plusieurs fois la mort et s'en sortira indemne. En s'illustrant sur plusieurs champs de bataille, il s'attirera les faveurs du général ainsi que celles de sa fille, pour des raisons évidemment différentes. Il bravera le danger dans l'espoir de retrouver sa belle au moins dans un premier temps, conséquence d'un chantage : en volant l'étalon d'un grand vizir, le collier de sa femme, et enfin le rossignol qui chante près de son lit, il oublie peu à peu l'amour originel pour lequel il prend tous ces risques et s'éprend un peu bêtement (le bougre est particulièrement susceptible) de celle qui le fait courir par monts et par vaux, à grand renfort d'une symbolique du désir très prononcée. Il aura ainsi suffit de trois vœux de la belle brune pour qu'il perde la raison, échappant de peu et par chance à une condamnation à mort.


"Une faveur aristocratique ne peut mener qu'au sang" : telle est la conclusion de ce conte moral, énoncée juste avant que les illusions ne s'évanouissent, que la fougère magique ne s'évapore, et que le protagoniste ne se perde une dernière fois en forêt.


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Morrinson
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le 28 juil. 2019

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Morrinson

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