La Forêt
4.4
La Forêt

Film de Jason Zada (2016)

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On passe pas loin d'avoir un film au moins médiocre, mais c'est clairement juste faiblard. Le film a de temps à autre de très jolis plans et se montre assez soigné dans les cadrages et la photographie. Les acteurs font ce qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont, j'imagine. Pour le reste, mise en scène et dialogues en particulier, c'est limité.


Le problème de Jason Zada, c'est qu'il ne semble pas trop savoir ce qu'il veut faire avec son décor. Cette forêt - dont j'ignorais l'existence avant de me renseigner sur le film - a un potentiel fou pour une histoire d'épouvante et pour cause son histoire est une histoire d'épouvante. Mieux encore, c'est une étrangère qui n'a jamais mis les pieds au Japon qui va devoir y entrer. Il y déjà là tellement de potentiel pour balancer du folklore et vraiment jouer sur la distance culturelle. Sauf que la seule distance culturelle est la barrière de la langue qui est exploité deux fois au début et basta. Le reste du temps le personnage parle anglais avec un compatriote et un interprète. C'est d'ailleurs pour cela que le début reste la meilleure partie du film (ça et les plans de la ville qui sont franchement bien mis en lumière). À mon sens, la forêt méritait d'être bien plus présentée en amont; avec une première partie qui aurait été une enquête difficile à cause du japonais LV3 que l'héroïne à séché trop de fois. Et avec surtout des explications moins expédiées sur ce qui s'est passé dans cette maudite forêt. Les faits et les croyances. Le film tente de le faire, en proposant justement ce personnage américain qui ne croit pas au folklore, sauf qu'à peine deux pas dans la forêt et c'est parti pour le n'importe quoi et les hallucinations champinionesques. C'est en grande partie la faute à des dialogues rushés, aux répliques qui manquent toujours de justesse pour faire une exposition intéressante. On sent qu'ici on veut être plus concis qu'exhaustif, ce qui n'est pas un mal en soit, mais le choix des mots est juste absent ou à côté de la plaque, et du coup l'efficacité recherchée est un peu tuée par l'incrédulité dans laquelle on se trouve face à quelque parole ou à la manière dont elle est prononcée. Ça me choque assez rarement les dialogues pas fameux, mais ici c'est tellement à contre emploi que je n'ai pas pu m'empêcher de les relever.


Avec plus de travail d'anticipation et en ne montrant rien de cette forêt, en restant en ville même pendant au moins les trente ou quarante premières minutes pour créer un vrai contraste, cette forêt d'Aokigahara aurait pu se construire dans la tête du spectateur avant que le film n'y aille. Ça et un meilleur travail pour la montrer (des plans plus longs et surtout plus larges des personnages qui marchent et s'enfoncent dedans par exemple) auraient vraiment aidé l'atmosphère à être bien plus pesante. En l'état, le film peine à installer le sentiment d'oppression et d'attente que le décor est censé produire. Du coup, pour y pallier ou simplement pour répondre à une commande de "peur", il joue uniquement sur des effets type jumpscare et en plus de manière assez pauvre. Je crois bien qu'il a au moins quatre ou cinq fois le coup de l'agression qui en fait n'était qu'un rêve avec "hardcut" sur le visage du personnage qui ouvre les yeux en panique. Autant à certains moments la scène n'allait globalement nul part donc autant la finir de manière cheap. Autant parfois, il y avait un truc à faire.


Et il y avait un autre truc à faire d'ailleurs, scénaristiquement. Les trois points importants du film sont: la forêt des suicides qui est supposément maudite, le personnage qui vient dans un pays étranger et le fait qu'elle vienne chercher sa sœur jumelle. Et à moment donné, j'ai bien cru que le film allait enfin s'intéresser au deux dernier points.


Après une séquence de nuit ou l'héroïne se blesse à la main et est "secourue" par son compagnon de route occidental, elle découvre que ce gars plein de bonne volonté ne lui a pas dit toute la vérité quand ils se sont rencontrés. L'héroïne demande alors à voir son portable et découvre qu'il a des photos de sa soeur devant la tente de camping qu'elle avait planté dans la forêt que l'héroïne a retrouvé plus tôt dans le film.


Là, il se passe un truc! Ce mec, c'est un peu son seul point de repère parce qu'il parle la même langue, il l'amène où elle veut, il l'aide. Et là on nous donne un détail qui le met dans la position d'un menteur. On est dans un film d'horreur, on va immédiatement supposer que c'est même un prédateur. C'est peut-être un malentendu au final, mais ici il y a le potentiel d'utiliser le fait que c'est sa jumelle et que c'est pour ça qu'il s'intéresse à elle. On peut laisser entendre au spectateur que c'est pas la forêt qui a tué sa sœur. Le film a même préparé le truc, en laissant supposer bien avant, dans la scène de rencontre avec l'héroïne qu'il avait déjà rencontré sa jumelle. La tension est à portée de main!!!


Le film essaye même de continuer dans cette direction avec une séquence dans une cabane en bois où l'héroïne entend la voix de sa soeur derrière une porte. Sauf que le réal nous a déjà balancé des scènes avec un gars dont la tête est dans un sac à patate couvert de sang qui se téléporte derrière l'héroïne. Elle a déjà eu des hallucinations éveillées à ce moment là. C'est trop tard pour exploiter la piste du film de serial killer...et c'est super dommage, parce que ça aurait été un joli moyen de jouer sur le fantastique.


En bref, comme toujours avec les films bas de gamme du genre, on sent que le réalisateur utilise un peu ses thèmes à l'arrache et se focalise sur des effets de peur tellement usités qu'ils sont inefficaces. Avec quasiment le même script, une réalisation plus posée, exploitant les qualités esthétique du film à fond, et en utilisant bien mieux l'anticipation, au lieu de craquer son slip sur des jumpscare foireux dans des couloirs mal éclairés, ça aurait pu être très très cool. Je ne recommande pas (sauf si vraiment vous êtes en manque de la bouille de Natalie Dormer).

seblecaribou
4
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le 17 juil. 2016

Critique lue 782 fois

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seblecaribou

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