S'il est bien une saga mythique de l'exploitation japonais des 70′s, c'est bien celle de Sasori. Et ceci majoritairement pour deux raisons : une actrice hypnotique, et un réalisateur audacieux. Il n'y a bien sur pas que cela pour forger une telle légende, mais l'alliance de ces deux forme un fondement indéflectible le temps de 3 films restés dans la légende du cinéma, depassant de loin le simple cadre restreint du pinky violence ou meme de la bete exploitation.

Une prison. Des femmes. Des matons sadiques. Des tortures, des viols et du saphisme. Les ingrédients principaux du WIP sont bien présents dans ce Female Prisoner #701 : Sasori (FP701). Pourtant malgré ses atours de film d'exploitation premier degré, le film arrive à transcender le genre pour se faire manifeste idéologique et féministe. FP701 est en effet un film sur une certaine revanche de la femme sur l'homme. Rabaissée au rang de chose, objet utilisé à la convenance de son petit ami, Matsu va, pour assouvir sa vengeance, devoir depasser le rang auquel la société japonaise la rabaisse et prendre l'ascendant sur ses tortionnaires. Le film est donc centré sur la montée de la rage bouillonnante de son héroine vers une preuve de son statut d'humaine et non de marionnettes. En décidant de se venger Matsu acquiert une identité. Elle devient Sasori, la prisonniere indomptable au regard de braises, piquante et mortelle.

Cela va sans dire FP701 n'aurait pas eu le meme impact dans le mutisme magnétique de son interprete. Un choix de l'actrice elle meme que de ne pas parler, réduire au maximum les dialogues de son personnage, pour laisser le champ libre à l'interpretation de sa rage et de sa détermination. La force du regard de Matsu, et par extension de KAJI Meiko, fait en effet passer bien plus d'emotions que beaucoup d'autres films. Et quand l'objectif de ITO Shunya décide de déifier son actrice, la magnifier dans des plans iconiques devenus des légendes, le personnage de Matsu dévore le scope comme ces codetenus et ses matons. Elle est le seul personnage à se reveler, et se retrouver sur le meme plan et angle de caméra que les hommes. Car pour signifier l'aservillissement des femmes, le réalisateur avait choisi de ne filmer les hommes qu'en contre plongée pour signifier leur domination physique et sociale. Un des multiples choix de ITO, pas le plus audacieux ceci dit puisque FP701 est un film arty à l'ambiance onirique. Le symbolisme des couleurs, rouge pour la colere par exemple comme dans la scene finale et son ciel de tempete sanguinne, mais aussi la theatralisation des scenes et des actions. ITO compose quelques tableaux que n'aurait pas renié un certain Mario Bava ou meme SUZUKI Seijun dont l'influence pop ne manque pas de se ressentir ici. Malheureusement cette recherche artistique et esthétique alliée à l'incroyable magnetisme de l'actrice n'arrivent pas à combler les problemes de rythme. Par moments FP701 redevient le genre qu'il s'etait donné pour pari de transcender. Et alors le film se rappelle aux scenes obligatoires et calibrées, créant un goufre avec les ambitions préalablement affichées; qui reviendront cependant quelques minutes plus tard.

Female Prisoner #701 : Sasori inaugure de belle maniere une des séries majeures du cinéma japonais. On y découvre une actrice impériale, qui finira de forger sa légendre dans les deux opus suivants et dans Lady Snowblood, mais aussi une qualité extraordinaire qu'a le cinema d'exploitation japonais à s'affranchir des barrieres formelles et surtout thématiques pour revendiquer. Et si le film peche par des socillations rythmiques un peu trop sensibles, n'oublions pas qu'il s'agit du premier film de son réalisateur. Et face au résultat plastique, on ne peut quand meme qu'etre impressionné.
nihoneiga
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le 3 févr. 2012

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