Promouvant depuis toujours l'éclectisme dans le Septième Art, j'ai réussi à développer un intérêt certain pour le pinku eiga et son prolongement du nom de Roman porno qui, finalement, ne change pas les bases. Tout juste, ce fut une opération marketing. Ayant démarré avec Wakamatsu et Tanaka, ce monde interlope mal connu en Occident et ce davantage à notre époque avait su me fasciner d'entrée de jeu. Et je me dis que ce n'est pas plus mal au vu de l'enchevêtrement de polémiques stériles touchant le cinéma. Pensez y que si Grease parvient à rentrer dans le collimateur de quelques cerveaux malades, qu'en serait-il du Roman porno ? La mise au bûcher comme ce fut le cas jadis il y a un peu plus de 80 ans ? Je ne peux m'empêcher d'y penser à chaque visionnage.


Amis du goût douteux et de la transgression, aucun doute que ce courant vous plaira. Malgré son relatif anonymat (qui a toutefois su se targuer d'une exploitation française), "La Femme aux seins percés" s'inscrit dans la droite lignée de la pensée et des interrogations sociologiques des cinéastes qui adressent un cri d'alerte sur un Japon patriarcal à l'excès. Dans le cas présent, Shogoro Nishimura que je viens de rencontrer, ne tarde pas à dévier son récit dans un chaos sexuel déjà initié avec le piercing aux tétons. Le téton, zone érogène, en étant percé pourrait se voir comme une sexualité malmenée au gré du ruissellement des gouttes de sang. L'amour par la souffrance et la torture. Charmant programme n'est-il pas ? Ce symbole est annonciateur de la suite où les rapports homme-femme seront sciemment filmés. Le même poncif est utilisé : l'homme raffiné violent et sans scrupule et la femme fragile et faible d'esprit qui sera sa proie. Par son emprise, il annihilera l'humanité féminine qu'il modèlera en objet sexuel, en l'occurrence la bouteille de vin dont le liquide renvoie bien sûr au sang qui est presque acteur à part entière au niveau philosophique.


Les cadeaux et marques d'attention qui sont faussés depuis le début permettent d'endormir l'attention de la fille qui développe dans le même temps un syndrome de Stockholm. Rabaissée à l'extrême, elle servira d'urinoir et sera enchaînée. Elle n'est pas seulement propriété mais le déversoir (excusez du terme) accueillant au sens propre comme au figuré la déchetterie qu'incarne son bourreau amateur de grands crus. Nishimura ne fait à aucun moment la promotion des sévices érotiques. Ils ne sont pas qu'une façade mais un fin cheminement menant à toutes les tares sociales nippones. Certes, on pourra aisément concevoir que cette technique dénote avec la cinématographie occidentale. Il faudra faire ni plus ni moins qu'un effort intellectuel pour visualiser dans cet étalage indécent une représentation imagée de la toute puissance phallique qu'il faut détruire au nom de l'égalité. Car grande nouvelle, le Roman porno est féministe dans son essence, salissant les basses pulsions masculines. Après, encore faut-il ne pas se laisser dominer par ses émotions et crier bêtement à la misogynie tel un chien de Pavlov.


Toutefois, La Femme aux seins percés n'est pas exempt de tout défaut car sa force finit par devenir vers la fin une faiblesse. Thuriféraire de la provocation, je suis d'avis que trop de provocation finit par tuer la provocation au point que l'on en vienne à virer dans le grotesque. Le finish qui, il est vrai, est d'un nihilisme terrifiant car il fait concorder le sexe et la dépravation pour former une seule et même entité, tente de ramasser les pots cassés. Dans les 10 dernières minutes, c'est un peu gros, voire même on frôle la caricature. On est donc bien loin de la superbe scène de Jun Izumi allongée enchaînée sur un sol parsemé de roses. La douceur représentée par la rose entre en collision avec les chaînes incarnant la domination. Qui plus est, j'ai trouvé justement le sein percé fort absent. J'aurais aimé voir plus de gros plans dessus.


Toutefois, La Femme aux seins percés reste un cru très correct à découvrir.

MisterLynch
6
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le 28 juin 2021

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MisterLynch

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