Le premier film de Kechiche montre déjà les prémices de son style particulier.
Il y a toujours quelque chose d'indéfinissable qui nous fait suivre ses déambulations malgré quelques moments de flottements.
La direction d'acteur souvent juste, les jeux naturels, les dialogues parfois vains, comiques ou violents avec une liberté de ton qui fait souvent mouche et l'aspect documentaire et sans effet font l'accroche. Tous les possibles sont chez Kechiche qui fait preuve de bienveillance, même si sa façon de faire révèle quelques fautes de goûts. Il mettra en valeur les femmes (ou inversement) et les hommes en attente.
Et sa manière de faire traîner les scènes, interminables, voire redondantes, qu'il se plaît à étirer.


Les interventions extérieures et nuisibles, visibles ou invisibles interfèrent dans le destin de ses protagonistes. Critique sociale cinglante avec ici, la police en chasse, où être en France ne signifie pas y rester. Les banlieues oubliées dans l'Esquive où les jeunes n'ont aucun avenir si ce n'est d'y croire à un moment donné. Les décideurs dans La graine et le mulet, prêts à venir profiter d'un couscous gratuit sans pour autant saisir la réalité du combat, mais où l'humiliation est dans chaque parole prononcée.
A l'instar de Vénus noire où tout au long de la narration le personnage de Saartjes Baartman s'efface au profit d'un regard porté sur une société et ses hommes bafouant la dignité humaine.
Relations d'individus dans une une société et ses travers, des personnages oubliés, en marge voire paumés. La difficulté d'être, mise en lumière par des tranches de vie, sans que l'on sache bien souvent ce qui s'est passé avant ou se passera après.
Il chamboule la temporalité et occulte la destinée de certains, ne faisant plus partie de l'histoire.
Celui de Nassera (Aure Atika) qui disparaît au moment où elle ne peut tenir sa promesse pour Jallel. Dans Mektoub ce sera Charlotte et son malaise qui ne font plus partie de l'effervescence de la bande.


Kechiche évite tout misérabilisme et ne dénonce pas franchement. Il dresse le parcours de Jallel, clandestin, faite de galères, de rencontres et de solidarité. Il apporte ainsi une réflexion sur la condition de l'homme dans la société d'aujourd'hui. Jallel a des projets, il rêve de de sa vie future et forcément réussie à Paris, mais sera confronté à la dure réalité. Il est ici alors qu'il ne le devrait pas. Pourtant, de foyers en hôpital psy, Jallel nouera de solides amitiés, connaîtra l'amour et comme il se doit chez Kechiche, la fin sera abrupte.


Sami Bouajila est excellent entre naïveté, courage et lutte contre ses propres freins. Elodie Bouchez permet d'être le lien entre deux réalités : la clandestinité des sans-papier et les laissés-pour-compte de notre société. Deux destinées miroirs pour accuser Voltaire, car Kechiche démontre ici qu'il n'y a ni liberté, ni égalité, et que si il y a fraternité, les plus forts auront toujours raison.


Un premier film à découvrir.

limma
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le 18 août 2018

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limma

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