La Fabrique du mensonge par Christine Deschamps

Fake news sur ordonnance. Un titre un peu racoleur. Une bande-annonce qui dit tout et relègue le visionnage du reste au niveau du délayage et du rabâchage, c’est un peu le cahier des charges de ce genre de documentaire-révélation. Elles sont finalement très peu nombreuses, les révélations, même si c’est toujours intéressant de procéder à un retour en arrière qui permet de remettre en place une chronologie, à défaut d’expliquer véritablement les causes de tel ou tel phénomène. En l’occurrence, il s’agit de démonter un gourou du cru (non, non, pas originaire de ma région, non, plutôt dans l’acception d’adepte des produits non cuits…) dont je n’avais jamais entendu parler, ce qui, pour une fois, semble tout à mon honneur. Eh oui, ça veut dire que mes fréquentations sur Youtube m’ont dispensée de me voir assigner par l’algorithme des visionnages relativement lassants de vidéo concoctées par un maigrichon passablement illuminé qui vend des extracteurs de jus. Allez, je ne veux pas froisser les gens qui sont sensibles à ces personnages qui émergent grâce à leurs capacités de persuasion et, finalement, prennent en charge des souffrances que le corps médical est impuissant à soulager. Par contre, on peut effectivement étriller les ambitieux qui jouent sur les pathologies pénibles pour mener leur petite barque commerciale et le documentaire ne s’en prive pas, même si, il faut bien le concéder, les intervenants convoqués à charge peinent à mettre vraiment en cause les affirmations parfois gratuites dudit gourou et préfèrent le discréditer d’un point de vue politique, voire médiatique, plutôt que médical. Le gars s’attaque aux vaccins, au gouvernement, au confinement, à l’industrie pharmaceutique et au moins deux de ces batailles trouvent immanquablement un écho favorable chez n’importe quel spectateur. En face, ses détracteurs ne peuvent que pourfendre la gratuité de ses accusations, sans vraiment parvenir à défendre, dans l’ordre, les vaccins, le gouvernement, le confinement ou l’industrie pharmaceutique. J’en étais à quelques secondes de jeter l’éponge et de passer à un autre documentaire quand, enfin, un biais que je pouvais supporter est apparu : pour étendre son audience, le chevelu étique a fricoté avec l’extrême-droite démago et rageuse, dont la méfiance vis-à-vis (pardon, mais ce sont des obsessionnels) des vaccins, du gouvernement, du confinement ou de l’industrie pharmaceutique. Là, ça devient plus convaincant, parce qu’on voit surgir chez Pierre Rabbi (auprès duquel je m’excuse pour le rapprochement acrobatique) le Viking à cornes de bisons qui a pris d’assaut le Capitole, ou presque. L’image est plaisante. Bref, badinage mis à part, voilà un documentaire plutôt racoleur et assez mal fagoté qui m’a laissée sur ma faim mais qui a au moins l’avantage d’illustrer assez clairement le marasme actuel de la pensée, et l’absence de certitudes dans laquelle le citoyen est continuellement maintenu. Décidément, je suis curieuse de voir comment on va s’en sortir, si les tenants de la Raison sont aussi faiblards en argumentation, parce que contrer la propagande par une contre-propagande presqu’aussi gratuite (c’est tout la faute à Facebook, voire à Youtube épicétou), ça ne mène pas très loin.