Stephen Meek, c'est comme Oncle Sam. Il parle beaucoup, il sait tout, il a tout vu. Faites lui confiance, engagez vous a ses côtés ! Heureusement que certains et certaines sont là pour semer le doute envers toutes les certitudes de Meek...


Kelly Reichardt nous offre un western avec une épopée aride, tendue et pleine de lucidité et de bon sens sur la rencontre et la confiance avec autrui.


J'aime la façon dont ses personnages transitent et traversent ses paysages dans le cadre étroit de sa caméra. Initialement les différents protagonistes du groupe sont censés être guidé par ce fameux monsieur Meek, qui raconte à l'enfant du groupe comment il est venu à bout d'un grizzly dès le début du film. On a tendance à penser, au fil du récit, que cet homme se la raconte beaucoup. Meek incarne cette Amérique des cowboys pleins de certitudes, qui raconte ses histoires avec aplomb et qui impressionne son public. L'enfant est d'ailleurs impressionné en l'écoutant, comme je l'ai également été en écoutant ce personnage et son histoire dès les premières minutes. Ce sentiment va rapidement s'estomper.


C'est très beau la manière dont Emily Tetherow, incarnée par Michelle Williams, est garantes de la survie du groupe, qui se déplace en meute. Un plan en début se film nous montre les femmes du groupe à l'arrière de la meute, à l'image d'une meute de loup. Ce sont elles qui protègent réellement le groupe.

Les hommes, à l'avant, ont un rôle moins important au quotidien dans cette épopée. Par exemple les femmes pensent à l'eau, elles vont même jusqu'à faire boire les hommes, acte essentielle à la survie. Les hommes sont excités à la vue d'une pépite d'or de leur côté.


Le film va progressivement porter la contradiction sur Meek grâce par l'intermédiaire du couple formé par Emily et Salomon Tetherow. C'est Emily qui va, par hasard, tomber sur un indien. Ce dernier sera capturé et rejoindra le groupe, malgré la volonté de Meek d'en venir à bout. L'indien les guidera. À noter la scène en fin de film de l'indien qui va chanter, lorsque qu'un homme tombe au sol de fatigue, l'un des plus beaux moments du film. Ce chant dégage une puissance, que ce soit les personnage du film ou moi-même on est juste scotché et ému.


Kelly Reichardt créé discrètement et progressivement un lien d'humanité et de confiance entre cet indien et Emily Tetherow, ce qui va indirectement mettre en retrait Meek. Tout se fait dans une relative douceur étant donné le contexte difficile (fatigue, faim, soif...).


La force de Kelly Reichardt est cette capacité de créer une douceur et un calme dans ses récits et ses films, dans First Cow et dans Showing up j'ai également eu cette sensation. Elle met en scène des situations, des liens de coopération et de fraternité dont on ne s'attend pas forcément. Ici Meek finit par fermer sa bouche, alors qu'au départ on aurait pu penser qu'il aurait prit le dessus de part son statut de dominant.


C'est vraiment fort cette capacité à nous proposer, avec douceur et efficacité, un autre paradigme dans ses films.


C'est un film à voir, fin et lent. Qui suggère sans affirmer, qui laisse le spectateur apprivoiser les situations.

Ssird
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les films et documentaires (re)vus en 2024 et 2024 : Rétrospective Kelly Reichardt

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le 25 févr. 2024

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