La Délicatesse par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Nathalie forme avec François un jeune couple qui s'adore et vit confortablement. Il s'avère que la vie n'épargne pas forcément les gens qui s'aiment puisque l'infortuné François est victime d'un grave accident de la circulation. A la suite de ce drame, Nathalie n'a plus que sa bonne situation, une copine de bureau et ses souvenirs pour tenter de survivre moralement. C'est alors que survient Markus, un employé de l'entreprise. Il est assez différent des autres hommes par sa sensibilité, sa timidité, son accoutrement bref Markus n'a rien d'un bellâtre. Pourtant Nathalie va se surprendre à l'embrasser assez tendrement sans savoir trop pourquoi. Une relation bien timide va naître entre eux au grand étonnement des collègues et à la fureur du directeur général qui pensait avoir l'occasion unique de conquérir Nathalie. Les obstacles, les incompréhensions et la jalousie vont être les "maîtres maux" que va devoir affronter ce couple surprenant pour beaucoup.


Voici une très belle histoire, presque un conte de fées qui va provoquer des ravages au sein de l'entourage de Nathalie. Celle-ci est belle, passionnée par son métier qui lui apporte des responsabilités non négligeables. Comment cette jeune femme qui a tout pour rebondir dans la vie après avoir été mariée à un jeune homme attrayant et sportif peut se laisser aller à fréquenter un sans grade, un type banal et complètement effacé ? En fait c'est la société qui juge avec qui Nathalie doit faire son choix. L'apparence l'emporte sur les sentiments et sur l'honnêteté. La simplicité et la réserve deviennent des défauts à la vue des autres. Nathalie nantie de ses fonctions de responsable serait tellement mieux au bras de son patron qui porte costard et cravate, qui a le verbe facile et l'argent. Lui, il fréquente les grands restaurants, lieux privilégiés pour amorcer des relations intimes. Markus n'offre que des repas tous simples et sympas dans un petit troquet. Il est tellement modeste notre Markus qu'il est à cent lieues de penser que Nathalie puisse un jour tomber amoureuse d'un mec comme lui. La belle salariée à la carrière prometteuse a cependant fait son choix. Face à un patron prêt à toutes les magouilles pour "éliminer" l'employé devenu un redoutable rival, face aux amis qui ne veulent rien comprendre préférant rester figés dans leurs idées toutes faites et traditionnelles, Nathalie choisit de changer de vie car seule la tendresse peut lui permettre de se refaire une existence simple et apaisée, loin des bassesses et des sourires narquois de son entourage.


Pour moi, ce film est une très bonne surprise. David et Stéphane Foenkinos, les deux réalisateurs, nous offrent un film très efficace sur deux points: l' attirance amoureuse et la société qui nous entoure. Sur le premier volet les réalisateurs nous démontrent que le choix ne se commande pas pourvu qu'il soit sincère. C'est le cas ici, la tendresse l'emporte sur la puissance et cela correspond tout à fait à Nathalie qui doit se reconstruire et qui n'a que faire d'une promotion aléatoire dans son boulot. Elle veut revivre avant tout avec pourquoi pas un petit goût d'aventure. Sur le second volet les frères Foenkinos nous dressent le portrait d'une société formatée, cruelle et fausse. On voit bien ici l'incompréhension de tous sur cette liaison, chacun ne la jugeant qu'à travers soi. On n'admet pas la liberté individuelle et là, c'est justement le droit à la différence qui est remis en cause. Dans le cas présent il faut fuir pour échapper aux "amis" devenus subitement ennemis. La liberté, même celle d'aimer, se gagne à la force du poignet pour Nathalie et Markus. Une adorable mamie par son accueil avenant représente cette liberté telle qu'elle devrait être. C'est là, en sa compagnie, que la jeune femme a vécu des journées d'insouciance à courir, jouer et peut-être rencontrer ses premiers émois. Telles sont les déductions de Markus, à l'humeur vagabonde, lors d'une partie de cache-cache avec Nathalie dans le grand jardin champêtre de la maison qui sent bon la soupe et respire la tendresse. Cette scène est assez touchante pour être soulignée.
La "reconstruction" de Nathalie, son mutisme, son coup de foudre et cette approche pleine de sensibilité et de pudeur nous est remarquablement bien transmise par Audrey Tautou très expressive et pleine de charme. Markus, interprété par François Damiens, est absolument génial dans ce personnage au caractère complètement opposé à Nahalie. L'adorable grand-mère m'a fait penser aux miennes qui prenaient le temps de vivre et d'aimer et c'est Monique Chaumette qui apporte cette touche de bonheur avec talent. Il y a bien sûr le patron impulsif très intéressé par le physique de sa salariée, roi de la "promotion canapé", joué par Bruno Todeschini qui apporte toute sa fougue.


Voici donc une œuvre fort bien analysée, traitée avec finesse et efficacité. Cette romance ne tombe jamais dans la niaiserie, au contraire elle met en valeur des sujets essentiels qui rendent ce film captivant. Certains critiquent le cinéma français en l'accusant de manque d'imagination et de "combativité". Les frères Foenkinos nous démontrent que cet art un peu décrié chez nous est loin d'être mièvre et inintéressant.

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le 6 avr. 2015

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